Bilan 2016-2017. Le mot de la lectrice de Femmes libres

Bilan 2016-2017. Le mot de la lectrice de Femmes libres
L’année dernière, je vous avais fait un premier bilan des lectures à l’émission ; l’objectif était clair, net, et c’est toujours le même : explorer l’imaginaire et « dire de la fiction », révéler les femmes dans leur diversité à travers la littérature en général, et cela au gré d’une pure fantaisie personnelle ! Cette année, je n’ai pas dérogé à la règle. Poussée par l’actualité, même triste quand il s’agit de la mort de personnalités marquantes et estimables, je vous ai fait entendre au cours du dernier  trimestre 2016 trois extraits de romans de Benoîte Groult qui nous avait quittés avant l’été : La Part des choses (en septembre), Les Vaisseaux du cœur (en octobre) et La Touche étoile (en novembre), trois romans au ton assez différent, dont le dénominateur commun est l’humour décapant et souvent féroce de l’autrice, en particulier dans la peinture de ses contemporaines et contemporains, mais aussi dans celle de sa propre personne…

Et  puis, actualité oblige encore, au mois de décembre, l’équipe de Femmes libres a voulu vous présenter l’hommage qu’elle a rendu à la fondatrice de l’émission, Nelly Trumel, en publiant un ouvrage mettant en valeur le militantisme et la créativité de Nelly ; c’était Nelly Trumel Faut qu’ça germe, dont j’avais extrait quelques textes écrits par Nelly elle-même, un reflet du regard qu’elle portait sur sa peinture…

Au début de l’année 2017, j’ai repris mon errance, je me suis promenée dans ma bibliothèque et ailleurs et j’ai butiné, au hasard : ainsi, en janvier, nous avons approché le quotidien de deux des dix-neuf Mademoiselle Haas, de Michelle Audin, une mathématicienne et une des rares femmes qui font partie de l’Oulipo, ce groupe d’écrivains et d’écrivaines, dont étaient Georges Perec et Raymond Queneau, qui travaille l’écriture sous contraintes (pour faire bref… car c’est un peu plus complexe que cela) ; Mademoiselle Haas, c’est la vie intime et souvent difficile, voire cruelle, de femmes entre 1934 et 1941 qui s’imbrique dans la grande histoire de l’époque.

En mars, dans un tout autre style, nous avons rencontré les habitantes de Carmaux à travers un court récit de Françoise Cayla, Les Carmausines, et avons pu explorer la richesse des relations qui se tissent entre humains d’origines différentes ; j’avais parlé à l’époque d’un « chemin qui, de petites méfiances en grande curiosité conduit à une amitié et à une affection réciproques » pour qualifier la démarche de ce beau petit livre réconfortant, émouvant en ces temps où la méfiance, voire la haine, à l’égard de celui ou celle qui vient d’ailleurs est malheureusement très répandue, un petit livre plutôt optimiste qui donne toute sa place à la rencontre avec l’étranger et l’étrangère, celui, celle, qui n’est pas comme moi, mais finalement qui n’est pas si étranger à ma personne.

En avril, nous avons pris un autre chemin, un bateau, et nous avons navigué dans des conditions peu confortables, il faut l’avouer, avec Catherine Poulain, une sacrée aventurière éprise de liberté qui, dans Le Grand Marin, retrace ses dix années de pêche en Alaska, de plongée dans le monde des gens de la mer, un monde masculin qu’elle a su appréhender, où elle a su se faire respecter tout en partageant son quotidien dur et âpre.
Au mois de mai, nous avons jeté avec quelque nostalgie, voire une légère tristesse, un petit coup d’œil sur le vieillissement, les relations entre mère et fille au moment où elles basculent, où les rôles s’inversent, la mère protectrice devenant la « personne fragile à protéger » et la fille se transformant en «  mère de sa propre mère », inversion difficile qui ne se fait pas sans douleur et incompréhension de part et d’autre : c’était La Ballade d’Iza, superbe texte de l’écrivaine hongroise Magda Szabo.

Mark Twain a écrit : « La réalité dépasse la fiction, car la fiction doit contenir la vraisemblance, mais non pas de la réalité », et en juin je me suis détachée de la fiction car de nouveau rattrapée par la réalité, l’actualité : le procès de la journaliste et romancière turque Asli Erdogan, qui n’en finit plus d’être reporté (de mars à juin, puis maintenant de juin à octobre) m’a amenée à vous faire entendre la voix de cette journaliste et romancière turque, cette voix que le pouvoir turc en place veut étouffer, cette expression à la fois poétique et politique à laquelle elle avait donné libre cours dans le journal prokurde Ozgür Gundem et pour laquelle, avec beaucoup d’autres journalistes, elle reste accusée de terrorisme, et je vous ai lu deux de ses chroniques extraites d’un ensemble intitulé Le silence même n’est plus à toi.

Voilà. C’était un petit coup d’œil dans le rétroviseur de cette saison littéraire 2016-2017 ; en octobre, nous reprendrons la route, droit devant, avec probablement quelques chemins de traverse encore inconnus pour le moment…


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