Bilan 2017-2018. Le mot de la lectrice de Femmes libres

Bilan 2017-2018. Le mot de la lectrice de Femmes libres
Cela fait maintenant deux ans que je vous livre un bilan des lectures à l’émission Femmes libres… Jamais deux sans trois, c’est reparti, donc ! L’objectif de ces lectures, je vous en avais déjà parlé, outre vous faire partager de beaux textes, est toujours le même : révéler les femmes dans leur diversité, avec leurs sentiments propres, leurs combats, leurs questionnements, etc., à travers des œuvres principalement de fiction découvertes au hasard de mes lectures personnelles…

En octobre 2017, j’ai ouvert la saison avec un homme (une fois n’est pas coutume), Pierre Thomé, dont le petit recueil, L’Eau brûle (éd. Chemin de fer, 2016), m’avait fait à la fois saliver et réfléchir avec ses onze historiettes autour du couple et de la cuisine, entre poésie, rêve et réalité ; j’espère donc que, depuis, le safran ou la cuisson des homards n’ont plus de secret pour vous…

En novembre, l’atmosphère s’est alourdie : c’est Agota Kristof qui nous a plongé·e·s dans son univers sombre et son écriture acérée : avec trois nouvelles La Hache, La Mère et L’Invitation extraites d’un ensemble intitulé C’est égal (Le Seuil, 2005) et renvoyant à la situation de femmes sous emprise et soumises à la domination masculine.

Et puis, parce que le temps passe, que personne n’est immortel, nous avons été soudain durement frappé·e·s par l’annonce de la mort de Françoise Héritier, cette grande dame de la cause féminine et féministe ; elle venait de faire paraître en octobre 2017 chez Odile Jacob un petit opuscule biographique, Au gré des jours ; je venais de le lire, il m’avait beaucoup touchée et j’ai choisi de vous en faire partager quelques pages lors d’une émission, le 20 décembre, que nous lui avons entièrement consacrée. Dans cet opuscule elle montre avec beaucoup de délicatesse et d’humour combien, après avoir mis à bas les barrières imposées par une éducation traditionnelle, elle a dû batailler pour « tenir son rang de femme » face à la majorité d’hommes qui oeuvraient à l’époque dans son domaine et surtout faire ce qu’elle avait envie de faire.

Et c’est à ce même genre de bataille que nous convia en janvier Nancy Huston avec La Fille poilue, (éd. Chemin de fer, mars 2016), sorte d’anticonte pour adultes où les repères temporels sont éclatés et où les personnages, en particulier les femmes, laissent exploser, non sans humour, leur appétit de vie, leur aspiration à assouvir tous leurs désirs et leurs projets…

En février, nous avons fait un grand bond en arrière dans le temps et entendu avec beaucoup d’émotion la voix de Xanthippe, l’épouse dévouée et chérie de Socrate, qui, après l’annonce de la condamnation à mort de son mari, s’est épanchée largement, dans une tonalité très contemporaine, sous la plume d’Elisabeth Laureau-Daull sur sa condition de femme en général et d’épouse du philosophe en particulier auquel elle ne manque cependant pas de rendre hommage pour le soutien qu’il lui a apporté. C’était donc une certaine image du couple dans La Jument de Socrate (éd. du Sonneur, 2017).

Retour à des préoccupations plus contemporaines en mars avec Michèle Lesbre, porte-parole de Nina et Suzy dans Nina par hasard (Sabine Wiespieser, 2010) ; vous y avez fait connaissance de cette mère et de sa fille, ouvrières à Roubaix, Nina, dans son usine de filature, avec son quotidien, la grève des ouvrières pour lutter contre une direction paternaliste et un contremaître autoritaire et méprisant… et surtout se prendre en main en échappant aussi à la toute-puissance du délégué syndical, lourdement macho sur les bords !

Ensuite, de nouveau un pas en arrière dans le temps, au mois d’avril : une artiste sacrifie sa courte vie pour se dévouer à son compagnon, artiste lui aussi et qui atteindra une grande renommée après sa mort, j’ai nommé Jeanne Hébuterne, toute dévouée à Modigliani, dont la voix s’est fait entendre dans un journal imaginaire publié par France Huser en 2006 (Gallimard), La Fille à lèvre d’orange.

Et l’ambiance est restée triste et pesante en mai, plus contemporaine aussi, Katharina Winckler rapportant dans Les Bijoux bleus (Actes Sud, 2017) le quotidien d’une femme battue d’origine turque et qui sera finalement sauvée, ainsi que ses enfants, grâce à l’intervention de voisins en Allemagne, après l’émigration et l’installation de toute la famille dans ce pays.

L’année s’est terminée dans un registre un peu différent avec l’ouvrage de Jeanne Benameur, Otages intimes (Actes Sud, 2015), et le retour au milieu des siens d’un photographe de guerre pris en otage, attendu sur le tarmac par sa vieille mère et son ex-compagne, plongées l’une et l’autre dans une culpabilité et une émotion profonde… Une réflexion sur le sens même du mot otage et la notion de liberté intime, personnelle.

Un voyage dans le temps, donc, neuf ouvrages, neuf histoires et neuf atmosphères complètement différentes, des violences, des douleurs, des reconstructions mais aussi beaucoup de réflexions, de questions, d’interrogations sur le droit, pour les femmes, à l’autonomie, à la liberté, à l’égalité …

Je vous retrouverai la saison prochaine, au mois d’octobre, avec un programme allégé (une lecture un mois sur deux). Et j’attends toujours avec impatience vos suggestions si vous avez quelques coups de cœur à faire partager !

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