Danielle CASANOVA née Vincentella PERINI - De Ève à Philomène sans Oublier les Autres

De Ève à Philomène sans oublier les autres -
7 novembre 2018

Portrait de Danielle Casanova

CORSE – DENTISTE – COMMUNISTE – RÉSISTANTE – DÉPORTÉE

C’est en passant mes vacances en Corse et en cherchant à atteindre une petite crique dans les calanches de Piana que je suis passée à Vistale devant une plaque commémorative, celle de

Danielle Casanova où l’on peut lire :

Dans cette maison qui était la sienne

Danielle CASANOVA / Vincentella PERINI

A vécu heureuse au milieu de sa famille

Arrêtée à Paris le 15 février 1942 par la police des traites de l’état dit de Vichy

Livrée à l’ennemi et déportée en Allemagne le 21 Janvier 1943

Danielle Casanova a été assassinée par les hitlériens le 10 mai 1943 à Auschwitz

Elle est morte pour que la corse reste terre française et que la France renaisse plus libre.

Je me suis alors demandée comment on pouvait mourir en enfer en ayant grandi dans un si petit et si magnifique village au milieu des calanches de Piana.
La brève histoire de la vie de Danielle Casanova se raconte sur des plaques commémoratives comme celle que je viens de lire. Elles jalonnent son parcours et nous en tracent les grandes lignes.
La première se trouve à Ajaccio, boulevard Danielle Casanova et on peut y lire :

Dans cette maison est née le 9 janvier 1909 Danielle Casanova

Fille du peuple honnête, travailleur, généreux,

Danielle Casanova entra dès l’âge de 18 ans

Dans la lutte pour le bonheur des humbles.

Le fascisme la trouva sur la brèche lors de l’émeute de février 1934.

Puis jusqu’en 1939 à la tête de l’union des jeunes filles de France, et enfin dans

La nuit sinistre de l’occupation hitlérienne

Au sein des glorieux Francs-tireurs et

Partisans pionniers de la libération nationale

Arrêtée par les nazis en 1942. Sauvagement

Torturée, elle tombe sous les coups de ses bourreaux

Le 10 mai 1943 au camp d’Auschwitz pour

La France, pour la liberté, pour son idéal de communiste.

Danielle Casanova est à jamais un exemple, un symbole

Pour cette jeunesse de France qui va vers des lendemains qui chantent.

Que dire de plus de sa jeunesse et de Son Activité politique de l'entre-deux-guerres?

Ses parents sont des instituteurs républicains, laïcs et sympathisants du PCF. Son grand-père était juge de paix. Elle a 4 frères et sœurs. Son vrai nom est Vincentella Perini. Elle va prendre le nom de Casanova quand elle se marie et elle décidera de changer de prénom par rapport à son action politique.
En 1927 elle arrive à Paris pour faire ses études à l’école dentaire. Elle adhère avec enthousiasme à l’Union fédérale des étudiants organisation de gauche récemment fondée par Maurice Ténine et en devient une des militantes les plus actives avant d'en devenir responsable, n’hésitant pas à distribuer des tracts (ce qui était exceptionnel à l’époque pour une femme) et à aller à l’affrontement (avec certains hommes d’opinions différentes qui se moquaient d’elle et essayaient de l’intimider).
En 1928, elle s'engage dans les Jeunesses communistes et y rencontre Laurent Casanova, Ils se marieront en 1933.
En 1931 elle devient membre du bureau régional de la région parisienne de la Jeunesse Communiste,
en 1932 tout en poursuivant ses études, elle rejoint le comité central avant d’être élue à la direction nationale en février 1934, elle y est la seule femme et commence à avoir certaines idées au sujet du monde qui l’entoure
en 1936 Quand l'Union des jeunes filles de France est créée, elle en devient la secrétaire générale. Elle fut la première à prôner l'épanouissement des femmes
Elle déclare dans son rapport politique lors du 1er congrès de l’union::
Il n'est désormais plus possible à la femme de se désintéresser des problèmes politiques, économiques et sociaux que notre époque pose avec tant de force...La conquête du bonheur est pour la femme liée à son libre épanouissement dans la société, cet épanouissement est une condition du développement du progrès social.
En 1936, elle organise une action de soutien aux enfants victimes de la guerre civile en Espagne et lors .du congrès de la jeunesse communiste elle prononce un discours qui montre l’avant-garde de sa pensée féministe:

« Nos foyers d’organisation doivent avoir parmi leurs adhérentes et leurs dirigeantes des jeunes socialistes, des jeunes filles républicaines. Elles sont nos amies les plus proches. Comme nous, elles ont foi dans le monde nouveau duquel seraient bannis à jamais l’exploitation et l’esclavage de la femme… Notre organisation doit être la leur dans sa forme et ses méthodes. Au début, quelques-unes d’entre nous se sont demandé si ce n’était pas tourner le dos à nos principes que de vouloir organiser séparément les jeunes filles. Disons franchement qu’une organisation mixte ne nous permettrait pas un bien large recrutement… L’expérience est là pour nous convaincre, la société ne nous permettrait pas à l’heure présente de poser et de résoudre de façon convenable tous les problèmes bien particuliers qui intéressent les jeunes filles. »

En septembre 1939 elle entre dans la clandestinité après l’interdiction du parti communiste français
Et une plaque sur les grilles du square Patriarche de la mairie de Montreuil où quelqu’un a malicieusement rajouté ANTI, ce qui le transforme en square Anti Patriarche lui rend hommage, à l'endroit même où la militante féministe et résistante communiste tint la première réunion clandestine des jeunes filles patriotes de France, en septembre 1939. Cette dernière, montée sur un banc public harangue la foule
« Je vous appelle aux luttes prochaines contre le nazisme et contre ceux qui vendent la France pour mieux abattre le mouvement ouvrier. »
Et lui clame
"Nous saurons faire notre devoir de Française".

On peut lire sur cette plaque :

" Dans ce square, en septembre 1939,
Danielle Casanova (1909-1943)
a réuni clandestinement
les Jeunes filles patriotes de France
pour commencer la lutte libératrice.

Arrêtée puis déportée,
elle mourut,
après mille souffrances,
au camp d'Auschwitz "

De 1940 et jusqu’à son arrestation
Malgré ses idées pacifiques elle s’aperçoit que la seule solution pour elle est de rentrer en résistance.
Elle contribue au journal clandestin Le Trait d’Union puis à celui de la Pensée libre et elle fonde la Voix des femmes.
À partir d’octobre 1940, elle participe à la mise en place des Comités féminins en région parisienne qui jouent un rôle très actif au sein de la résistance.
Elle organise des manifestations contre l’occupant, notamment les manifestations des 8 et 11 novembre 1940 suscitées par l’arrestation du professeur Paul Langevin, puis celle du 14 juillet 1941.
Elle travaille aussi à la constitution des Francs-Tireurs et Partisans français et assure la liaison entre la direction clandestine du PCF et les intellectuels.
Elle rédige un tract qu’elle fait circuler lorsque Gabriel Péri et Lucien Sampaix sont fusillés avec 100 otages, et qui dit :

« Malédiction sur les barbares allemands! Que le sang et les larmes qu’ils ont fait couler en ce noël tragique retombe sur eux ! (…) Portons le deuil de tous ces martyrs innocents. (...) En disant adieu à Gabriel Péri et à tous ces martyrs, jurons de les venger. Ils sont morts comme ils ont vécu au service de la France ! »

En passant rue du poteau à Paris arrêtons-nous un instant devant une nouvelle plaque qui dit :

Ici a été arrêtée Danielle Casanova

Le 11 février 1942

Assassinée à Auschwitz le 9 mai 1943

Elle restera un exemple pour tous les jeunes de France

Danielle Casanova a été arrêtée l5 février 1942 par la police française, elle reste au dépôt de la préfecture de police jusqu'au 23 mars 1942 pour interrogatoire.
le 23 mars elle est emprisonnée à la prison de la sante. Elle y restera 5 mois ½ souffrira de la faim et de la présence de la mort.
le 9 juin 1942 elle est livrée à la gestapo rue des Saussaie.
Le 24 aout 1942 elle est emprisonnée au fort de Romainville. Elle ne cessera jamais de militer. Elle y organise des manifestations et des publications clandestines.et devient la rédactrice en chef du « Patriote de Romainville » Pour célébrer la victoire du 11 novembre 1918, la Marseillaise sera entonnée par les détenus à son initiative...
Pendant ses incarcérations elle rédigera des lettres émouvantes écoutons-en quelques extraits lus par Isalyne Amalric Choury et des élèves du lycée Laetitia Bonaparte.

Lisons ensemble une dernière plaque située à Romainville :

Hommage à Danielle Casanova

Partie le 23 janvier 1943 du fort de Romainville avec le premier convoi de femmes déportées en Allemagne qui entra à Auschwitz au chant de la marseillaise

Morte en captivité le 9 mai 1943 à l’âge de 33 ans.

C’est à la gloire de toutes les héroïnes de la lutte pour l’indépendance nationale que ce monument a été érigé par l’union des femmes françaises et la municipalité de Romainville.

Écoutons une bande sonore extraite de l’hommage des élèves du lycée Laetitia Bonaparte
Que dire de sa renommée posthume ?
Danielle Casanova fut érigée, dès les mois qui suivirent sa mort, en icône de la résistance - elle incarnait, pour les communistes, toutes les autres femmes qui, avec courage et abnégation, se sont surpassées en surmontant leur peur pour sauver leur pays et leurs camarades. Et comme le raconte sa nièce Isalyne…

« Dans les meetings d’après-guerre on célébrait en même temps Jeanne d’Arc et Danielle Casanova, les deux héroïnes de la France Celle qui croyait au ciel, celle qui ni croyait pas, c’était tellement une conception moderne à l’époque qu’on ne s’en rend pas compte aujourd’hui. En 1983 pour la 1ère fois la France décide d’adhérer à la commémoration de la journée internationale de la femme le 8 mars et c’est Danielle qui est choisie avec un timbre à son effigie car elle représente une des premières féministes française »

Elle a été décorée de l'ordre national de la Légion d'honneur à titre posthume.
Le Conseil National de l’Ordre des Chirurgiens-Dentistes publiera dans son numéro de 1945, une liste de « Martyrs de la Profession ». Le nom de Danielle Casanova y figure en tête de liste
Des centaines de rues, crèches et collèges, maisons de santé et même un ferry ont été baptisés de son nom après la libération.
En 2009, année commémorative du centenaire de sa naissance, Danielle Casanova a été élevée au rang d'héroïne nationale; L’amicale des amies de Danièle Casanova signalait cette même année que son nom n’était toujours pas dans les dictionnaires.
Quand on sait que seules 6 femmes sur 1038 sont compagnons de la libération, je me suis demandée comment on choisit une héroïne nationale et d’ailleurs qu’est-ce qu’une héroïne nationale ?
Je me suis amusée à poser la question suivante à mon entourage : citez-moi des noms d’héroïnes nationales !

J’ai obtenu comme réponse : Jeanne d’Arc.
J’ai reposé la question? Après mûre réflexion on m’a cité Marie Curie…..pourquoi Marie Curie ai-je demandé, c’est une scientifique ? Oui, mais elle en est morte de ses recherches…J’ai eu une autre proposition : Simone Weil ?
Maigres résultats. 2 femmes du 20 ème siècle et une du 15 ème siècle et aucune héroïne citée entre ces deux époques……

J’ai alors interrogé les moteurs de recherche et j’ai recherché : liste des femmes élevées au rang d’héroïne nationale
Résultat : Jeanne d’Arc, puis la substance chimique qui est une drogue – l’héroïne
Autre chose ? Je m’y suis peut-être mal pris. Pas grand-chose d’autre
Et le dictionnaire ? Que dit-il ?

Nom féminin

Une héroïne est une Femme qui fait preuve de vertus exceptionnelles, se dévoue à une cause.

Exemple : Jeanne d'Arc, est une héroïne nationale française.

Ou encore Principal personnage féminin (d'une œuvre, d'une aventure…). L'héroïne du film.

En conclusion de ce rapide questionnaire pas facile de citer des noms de femmes remarquables. Tout reste à faire pour rendre visible l’histoire des femmes ce qu’a souligné d’ailleurs récemment le manifeste des 440 historiennes.

Pour finir une chanson : Vincentella
À écouter : Vincentella par le groupe Corse Acquatella. Chanson en hommage à Daniele Casanova

Sources :