Dix petites anarchistes


Dix petites anarchistes


En voilà un joli roman sachant allier fiction et histoire, nous faisant rencontrer dix jeunes femmes accompagnées de neuf enfants et des militants anarchistes, des syndicalistes, des bagnards, des pêcheurs et des paysans indigènes. A la manière des Dix petits nègres d’Agatha Christie, une à une, ces dix petites anarchistes vont disparaître : tuée, violée, morte en accouchant sur le bateau qui les emmène, assassinée par la police mais aussi, amoureuse, partie vivre avec un communard condamné au bagne, etc. Et il en restera une qui récupérera le carnet vert où se consignent les histoires de la vie commune et qui nous raconte ainsi l’histoire de ces femmes. 

Qu’est ce qui pousse ces femmes à partir à l’autre bout du monde, en Patagonie, elles qui n’avaient même pas les moyens de se payer un loyer en y arrivant ? Qu’est ce qui a poussé près de soixante millions d’européens vers le continent américain à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle ? Ils étaient anglais ou irlandais, allemands ou italiens, mais aussi français, suisses ou polonais. Du fait d’une croissance démographique forte, ils fuyaient la misère, la famine, les salaires trop bas, le chômage, d’autres étaient poussés par le manque de terre à cultiver. D’autres encore partaient pour des raisons d’ordre politique : insurgés et révolutionnaires réprimés, Juifs visés par les persécutions et les pogromes. Tous et toutes espéraient une vie meilleure.

Ces dix femmes choisissent de quitter le Jura suisse à la fois pour des raisons politiques et de par les conditions économiques qui leur sont faites. A l’occasion du séjour de Mikhaïl Bakounine et Errico Malatesta à Saint-Imier en 1872, lors du Congrès International anti-autoritaire, elles s’imprègnent de ce qui reste comme idéal de la Commune et leur conscience s’éveille davantage. Elles vivotent dans la précarité comme horlogère, boulangère ou modiste avec des salaires de moitié de celui des hommes. Qu’ont-elles à perdre ? Elles rêvent d’améliorer leur sort. En juin 1873, elles s’embarquent, âgées de 17 à 31 ans avec neuf jeunes enfants sur … La Virginie, le navire sur lequel des déportés, telle Louise Michel, sont emportés vers la Nouvelle Calédonie.

Daniel de Roulet, l’auteur, nous donne à lire une épopée de femmes prêtes à bâtir une communauté où règnerait « l’anarchie à l’état pur » et comme disent les enfants avec « ni dieu, ni maître, ni mari ». De Punta Arena en Patagonie, à l’Ile de Robinson Crusoé, puis à Buenos Aires, elles ne feront aucune concession et travailleront dur, expérimentant plus la survie que le confort durant les 36 années d’utopie anarchiste comme principe de vie.

Hélène Hernandez
Groupe Pierre Besnard
Émission Femmes libres sur Radio libertaire

Daniel de ROULET, Dix petites anarchistes, Buchet-Chastel, 2018.


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