FEMMES ET PRECARITE : la PICARDIE
Dans le cadre du festival des Noyon'ELLES qui a
eu lieu autour du 8 mars à Noyon dans l'Oise, le film
LES INVISIBLES a été projeté ; il aborde la situation des
femmes « sans domicile fixe ». Un débat s'en est suivi axé
notamment sur la précarité des femmes. La salle était
quasiment pleine ! Noyon se trouve en Picardie, intégrée
depuis peu à la région des Hauts de France, espace
très touché par le chômage, le déficit en éducation et
la pauvreté en général. Un focus sur ce sujet remet bien
des pendules à l'heure sur le thème : en France, les
femmes n'ont pas à se plaindre. Elles ont acquis des
droits et sont maintenant égales aux hommes.
Le CESER de PICARDIE (Centre économique,
social et environnemental) a fourni en 2015 une étude
très fouillée sur le phénomène de la précarité version
féminine dans ces trois départements avant la
création des Hauts de France. Si les chiffres sont
douloureux, plus douloureux qu'en France en général,
ils permettent de connaître tous les facteurs subis par
les femmes tout au long de leur vie et notamment dans
le travail qui les conduisent à la précarité. Car il
s'avère qu'une grande majorité de personnes parmi les
plus précarisées en France sont des femmes à tous les
âges de leur vie. Cette étude confirme dans son état
des lieux, l'extrême précarité des femmes picardes.
QUELLES SONT LES FACTEURS QUI
CONDUISENT A LA PRECARITE ?
• la démographie : il y a plus de femmes que
d'hommes
mais elles sont moins nombreuses sur le marché
du travail ; beaucoup ne travaillent pas ou plus du
fait de la maternité, des conditions de travail mal
payés, précaires, incompatibles avec les enfants,
l'absence ou l'inadaptation des modes de garde.
Car les hommes n'interrompent pas leur carrière
professionnelle pour s'occuper des enfants.
Après une naissance 1 homme sur 9 réduit son
activité contre 1 femme sur 2.
• Un long retrait du marché du travail entraîne
une baisse de l'estime de soi et de la confiance
en soi, De plus, on sait que les interruptions
longues, et/ou congé parental sont associés à des
trajectoires sociales précaires ayant pour conséquence
un parcours chaotique des emplois et une incidence
sur la protection sociale et le calcul des retraites.
Elles sont 57 % à occuper des emplois nonqualifiés
• Les familles monoparentales : en 2015, elles
représentent 13 % des familles et 4/5 ont une
femme comme parent seul : leur nombre a cru
de 27 % entre 1999 et 2009. Le taux de fécondité est
particulièrement élevé chez les jeunes filles de
moins de 18 ans en Picardie.
• Selon Eurostat – l'office de statistique de l'Union
Européenne – en France, en 2017, 7,3% des
travailleuses étaient pauvres, un chiffre en nette
progression.
• La féminisation du monde du travail se poursuit
mais c'est pour occuper les emplois nonqualifiés. Dans les trente années à partir de 1975, prés de 4 millions d'emplois ont été créés,
les deux tiers à temps partiel, occupés très
majoritairement par les femmes (près de 70
%). D’autre part, l’emploi non-qualifié, tous
métiers confondus, est de plus en plus féminisé
et est deux fois plus important pour les femmes
que pour les hommes.
• L’écart est croissant, au sein même de la
population féminine, entre les femmes qualifiées
(le taux de féminisation des cadres avoisine
désormais les 40 %) et les femmes les moins
qualifiées qui, pour leur part, s’enfoncent de plus
en plus dans la précarité.
• le fait qu'elles réussissent mieux à l'école que les
hommes et que, dans le même temps, elles
subissent un plafond de verre qui bloque leur
ascension professionnelle.
• Ce plafond de verre est alimenté par des
stéréotypes, la misogynie, les maternités que les
employeurs considèrent comme un frein à
l'embauche des femmes, le harcèlement au
travail.
• Les femmes sont réparties dans 11 filières
professionnelles sur 87 existantes.
• L'inégalité salariale à qualification égale.
• les temps partiels imposés
• les contrats de travail précaires
• Selon les dernières données analysées par
l’INSEE depuis 25 ans, l’écart de temps consacré
aux tâches domestiques par les hommes et les
femmes s’est réduit pour l’essentiel du fait de la
diminution du temps féminin et non d’une augmentation du temps masculin.
• En Picardie, les jeunes fondent rapidement une
famille ; Cette précocité est liée à la fois à la
durée plus courte des études et à la plus grande
présence des ouvriers, qui fondent leur foyer
plus jeunes et ont davantage d’enfants que les
autres catégories professionnelles. Elle
s’observe, dans les trois départements, mais ce
phénomène est plus marqué dans l’Aisne où 42 %
des jeunes de 18 à 29 ans ont fondé une famille et
24 % sont parents.
• L'inexistence ou l'inadéquation des modes de
garde pour les enfants avant la scolarisation.
• La Picardie est une des régions de France qui a
le plus fort taux de natalité et qui est la moins
bien équipée. La raison semble être une forte
ruralité et le faible taux d'activité des femmes.
• Le harcèlement sexuel sert de levier pour déstabiliser,
humilier ou dégrader l’image d’un ou d’une rivale
redoutée et ce, parfois dans un contexte de
compétition. Ces situations sont largement sous estimées mais elles débouchent fréquemment sur des
arrêts de travail parfois sans certificat médical et au delà, sur des interruptions d’activité qui peuvent être
définitives. Le harcèlement subi par les femmes au
travail est différent de celui vécu par les hommes du
fait des propos sexistes et machistes.
* D’autres motifs familiaux sont évoqués
notamment la charge d’un enfant handicapé ou
d’un parent âgé dépendant peuvent contraindre des
femmes, même bien insérées professionnellement, à
réduire voire interrompre leur activité. elles subissent d'autres formes de
discrimination dans l’emploi
- Le handicap,
- Selon l’INSEE, une femme immigrée sur 4
est au chômage. Ces femmes sont confrontées à de
multiples discriminations liées à leur genre, ethnicité
et classe.
- les femmes agricultrices : la création du statut
de « conjoint collaborateur » en 1999 a permis une
évolution positive de leur statut et de leur visibilité.
Les femmes d’agriculteurs ne sont pas
reconnues ; elles ont de longues journées avec un
travail physique et pénible, souvent non rémunéré.
De plus quand la femme n’est pas issue du monde
agricole, il est difficile de se faire accepter par le
milieu, ce qui accroît son isolement.
Être conjointe collaborateure peut coûter jusque
2 000 euros par an à l’exploitation comme
cotisation. Beaucoup de femmes ne cotisant pas
sont dans l'ombre, n'osent pas demander et donc se
sentent lésées. Quand une femme d’agriculteur
divorce, elle n'a presque rien car la ferme appartient
au mari ; elle n'a la plupart du temps aucune
qualification. Il faut noter une grande différence
selon la taille de l'exploitation : les conditions de
travail sont meilleures dans les grandes fermes.
Dans certains territoires de l’Aisne, comme la
Thiérache, règne une grande misère.
- Idem pour les femmes commerçantes ou
artisanes.
La situation des conjointes collaboratrices a été ignorée jusqu’aux années 80. Bien que des possibilités
de statuts soient aujourd’hui permises en droit, de
nombreuses femmes conjointes d’agriculteur, de
commerçant, d’une personne en profession libérale
ou d’artisan n’ont pas encore de statut officiel.
• Habiter une Zone urbaine ou rurale sensible
(ZUS) a un effet grossissant sur les facteurs
déjà évoqués. On peut ajouter :
- un certain contrôle social peut s’exercer
parfois dans les espaces publics traditionnellement
pensés par et pour les hommes. Par peur des
atteintes à leur sécurité, les femmes les
désertent.
- D'abord un phénomène urbain, la précarité
est aussi très présente dans le milieu rural.
Ainsi, 11% des habitantEs des campagnes picardes
vivent sous le seuil de pauvreté. L'augmentation de la
population, la raréfaction des emplois et des
équipements y favorisent le développement de
l'exclusion. La fréquence des déplacements et la
vétusté des logements rendent également les
habitantEs plus vulnérables aux risques de précarité
énergétique. Dans ces conditions, les populations les
plus précaires vivent dans les territoires les
moins urbanisés de la région.
- Le poids du genre et des stéréotypes de
sexe : les femmes sont mères plus tôt soit deux
fois plus que des femmes hors Zus).
- 1 famille sur 4 est une famille
monoparentale et vivent deux fois plus
souvent sous le seuil de pauvreté. l'Accès aux droits et aux services est
difficile : plus d’1 femme sur 4 déclare avoir
renoncé à des soins. La couverture CMU est très
faible.
• Les violences
* « Le harcèlement sexuel contribue à tenir
les femmes éloignées de certains secteurs
d’activité qu’elles évitent ou qu’elles
abandonnent précocement, parfois dès les
débuts de leur formation. À ce titre, le
harcèlement sexuel constitue l’un des facteurs
de la ségrégation professionnelle qui tend à
concentrer les femmes dans un nombre
extrêmement réduit de secteurs professionnels.
Le harcèlement provoque par ailleurs des
ruptures et des discontinuités dans la carrière.
* Les violences conjugales sont des freins
surpuissants par rapport à l’insertion
professionnelle et au maintien dans l’emploi.
Deux raisons se conjuguent : les stratégies
mises en œuvre par beaucoup de conjoints
violents visant à isoler au maximum la victime
de la vie familiale, amicale mais aussi
professionnelle d’une part, et d’autre part,
l’anéantissement des efforts des femmes ellesmêmes par le pouvoir destructeur de leur
conjoint.
* Au moment de la retraite, les tensions
existantes au sein du couple augmentent. La
baisse de revenus renforce la dépendance
financière des femmes. De plus, bien souvent encore, elles n’ont pas le permis de conduire.
* La prostitution : Dans son rapport annuel de
2010, l’Office Central pour la Répression de la Traite
des Êtres Humains (OCRTEH) évalue entre
20 000 et 40 000 le nombre de personnes
prostituées en France dont 85% de femmes. Il
s’agit très clairement d’un phénomène sexué
puisque 99 % des clients sont des hommes.
* Les femmes âgées victimes de violences,
à domicile ou en établissement, sont trop
souvent oubliées. Les données recueillies par les
réseaux associatifs révèlent que les victimes
sont en majorité des femmes (75 %) de 80 ans
et plus, 30 % des violences se produisant dans
des institutions et 70 % au domicile des
personnes dont les auteurs peuvent être non
seulement le conjoint mais aussi l’entourage et
les intervenantEs extérieurEs. Vivre avec son
conjoint, au quotidien devient souvent difficile.
Vous voyez, être une femme en Picardie n'est
pas une sinécure ! On est loin des clichés de
l'égalité !
Marie Jo POTHIER
Commentaires
Enregistrer un commentaire