FEMMES AU
MOYEN-ÂGE
Récemment, je suis allée à Guédelon, vous savez ce fameux château
actuellement en construction sur un modèle du XIIème siècle, au pays de la
Puisaye dans la Nièvre ; cette épopée me fascine : tous ces gens
passionnés qui donnent de leur temps, de leur savoir pour construire avec les
méthodes de l'époque cette bâtisse hors norme ; c'est la quatrième fois
que j'y vais et je suis toujours aussi enchantée de ce que je vois, ce que je
découvre de cette époque. J'ai donc cherché un livre qui parlait des femmes
médiévales. Je n'ai rien trouvé d'intéressant.
Je suis
passée par Charlieu qui est une petite ville de la Loire au riche passé roman
avec de magnifiques bâtisses du Moyen Âge et là, j'ai trouvé un livre vraiment
intéressant sur ce que je cherchais ; « LA FEMME AU MOYEN-ÂGE » de Jean VERDON dans
la collection HISTOIRE GISSEROT, collection qui ne traite que de sujets de
cette vaste époque. Le livre me paraît simple et bien construit
sur un sujet qui est transversal,
touchant tous les domaines de la vie (économique, scientifique, biologique,
etc) Je me suis appuyée sur ce livre pour écrire cette tribune. Il y manque
cependant l'environnement économique qui peut expliquer certains phénomènes
comme la sorcellerie que j'ai pu trouver dans Wikipédia. Rassurez-vous, je ne
vais pas vous faire un exposé complet de trois heures quarante minutes et cinq
secondes mais un état des lieux pour que vous ayez idée du statut de la femme à
cette époque qui couvre tout de même cinq siècles !!! Et je vais me
concentrer sur un domaine pour illustrer mon propos. Comme Halloween vient de
ranger ses citrouilles et ses sorcières, c'est d'elles dont je vais aussi vous
parler.
Pendant le
Haut Moyen Âge, il y a peu d'écrits surtout dans
les années mille, Vu la très grande place de la religion dans la vie
quotidienne, le clergé qui sait lire et écrire contrairement à la grande
majorité de la population, femmes comprises, est la source principale de
connaissances. Et cette caste est très misogyne car elle est contrainte à la
chasteté et connaît mal les femmes, les textes religieux sont eux-mêmes très
dévalorisant pour les femmes et l'inspiration législative est toujours le droit
romain qui considère la femme comme une esclave.
Et ce sont
donc les mots BRUTALITé, BARBARIE qui me
viennent immédiatement à l'esprit envers les femmes sur tous les aspects
de la vie ; elle n'est plus
esclave, elle est serve. Si ce n'appartient pas au seigneur qui possède la
terre et les gens qui vivent dessus, c'est de son mari qui a tous les droits
sur elle : elle ne peut lui refuser une relation sexuelle. La famille
n'est pas en reste, que ce soit la sienne ou celle de son mari ; car si il
existe des choses intéressantes comme le douaire qui est une dot qui lui est
dévolue en cas de veuvage, elle n'a aucun regard sur la gestion assurée par le
mari et il faut qu'elle soit sage pour l'avoir !!!! Le nombre de violences
conjugales, de féminicides dont elles sont victimes est énorme !!! L'époque
n'est tendre avec personne, me direz-vous. Certes ! Un enfant réalise
carrément un exploit s'il devient adulte ! Les guerres, les famines, les
bandes de brigands, les croisades, les mauvaises conditions d'hygiène valent
pour toute la population. L'ignorance cultivée par les religieux, seules
personnes titulaires du savoir de l'époque, essentiellement tourné vers le
sacré et toutes les fariboles qui vont avec, fait que la grande majorité de la
population est dans un combat permanent pour survivre.
Mais les
femmes sont doublement lésées, devant subir toutes ces contraintes déclinées au
féminin ; par exemple, une femme est plus mal nourrie qu'un homme ;
celui-ci accomplit des travaux de force et à ce titre, mange mieux que sa
femme. Autre chose : la femme a très mauvaise réputation dans la société
en général, de la part des religieux en particulier qui véhiculent des
légendes, préjugés, idées reçues dont le seul but est de dévaloriser, humilier,
inférioriser les femmes. Elle est aussi
la proie permanente du seigneur, des bandits de grands chemins.... Elle est
punie en cas d'adultère alors que le mari est encensé en cas de multiples
conquêtes....Ça, c'est toujours d'actualité !!!!!!
Voilà en
quelques lignes l'ambiance de l'époque.
En fait, on
recense trois grandes statuts des femmes
durant ces siècles ;
•
celle
qui vit dans le siècle en se mariant, ayant des enfants et tenant son ménage,
rôles qui lui sont imposés
•
les
veuves très nombreuses : les femmes se marient jeunes avec des hommes qui
peuvent être beaucoup plus vieux qu'elles. Leur statut est précaire car
elles travaillent pour leur propre
compte et sont considérées comme des concurrentes par les autres
artisans ; elles sont la proie de leurs familles qui pensent à des
mariages avec arrangements et leurs intérêts bien compris, se passant de
l'accord de la veuve, pourtant obligatoire !!! Si elles sont riches, elles
peuvent être enlevées pour des mariages forcés.....
•
elle va
au couvent. C'est une proportion très importante de femmes qui passent par la
vie monastique pour plusieurs raisons :
–
elles
sont oblates : leur mère n'a pu les élever et les a confiées au couvent.
Elles y sont élevées et devront demeurer toute leur vie comme religieuses.
–
elles
choisissent la vie religieuse et deviennent moniales. Certaines choisissent
même la réclusion (X au XVème siècle), emmurées dans une cellule avec une
ouverture pour la nourriture et assister à la messe.
–
après un
veuvage, elles décident de se retirer de la vie publique et rester dans un
monastère, sans toutefois devenir religieuses. Elles sont riches et sont une
source de financement importante pour les communautés.
–
les
jeunes femmes de condition aisée y reçoivent leur éducation jusqu'au
mariage ; elles apprennent à lire des livres religieux, de morale ;
elles savent écrire, ont des connaissances en astronomie, en musique, en éloquence ; elles
brodent, cousent, apprennent leur futur rôle à tenir quand elles seront
mariées..... Pourtant, les femmes artistes sont très peu nombreuses. Vous allez
écouter Hildegard Von Bingen qui a écrit ce « chantar ». Elle a vécu
au XI ème siècle.
Et puis, il
y a les autres, les marginales, les réprouvées, les mises au ban de la société
par notamment l'Eglise qui régit tous les rapports humains. Et les sorcières
ont été combattues avec ferveur, dirais-je, par les curés fanatiques et la
population manipulée qui en ont fait brûler des milliers durant cette époque
long comme un jour sans pain.
Michelet
donne la définition suivante : « une rebelle issue du désespoir profond
que fit le monde de l'église. »
Qui
sont-elles ?
Dans les
campagnes, les femmes telles que les sage-femme et les guérisseuses, connaissent le pouvoir des plantes et savent
guérir. Mais la médecine est l'apanage des hommes qui sont les seuls à pouvoir
exercer. Elles ont donc acquis un certain savoir, supérieur à celui des femmes
à cette époque, ce qui les rend suspectes. Comment ont-elles pu apprendre ces
connaissances ? se demandaient les esprits malins qui supportaient mal
cette concurrence. Alors, on va dire que le démon est passé par là et
qu'elles sont les suppôts de Satan. Elles méritent donc le bûcher !!!!! Nombreuses ont été les femmes à être
condamnées.
C'était
aussi des femmes qui n'avaient pu avoir d'enfant. Elles étaient considérées obligatoirement
ensorcelées car l'impuissance masculine était inconcevable.
Il y avait
un autre type de sorcière que les paysans consultaient. Ils croyaient dans le surnaturel de la nature et leur demandaient assistance pour résoudre des problèmes personnels.
Le clergé
leur attribuait la malfaisance des sorcières, créatures qui existaient depuis
de nombreux siècles déjà. Le monde saxon dans les siècles précédents les
croyait réelles et il fallait se protéger en les brûlant ; la strige, démon
mi-femelle mi-oiseau, poussait des cris perçants : elle s'attaquait aux
nouveaux-néEs pour leur sucer le sang ou bien les enlever. Elle les
empoisonnait en les allaitant. Ces apparitions de la nuit volaient, avaient des
pouvoirs effrayants, se repaissaient de sang et de chair humaine. Les romains
avaient eux aussi repris ces mythes mais avaient bâti des légendes ; tout comme les arabes d'ailleurs qui
dénonçaient l'appétit pour les cadavres des goules. On les retrouvait aussi
dans la mythologie slave qui racontait des histoires de Baba Yaga ou hindoue
qui évoquait les yogni ou les dakini....
C'était toujours des femmes !!!! L'église chrétienne les avait repris à
son compte et la chasse aux sorcières a pris des proportion importante,
particulièrement dans le haut moyen âge et la renaissance, pourtant réputée
pour son ouverture vers des idées novatrices !!!
Il semble
qu'un contexte économique ait été un accélérateur de ce phénomène : au
début du XII ème siècle, un changement intervient dans la gestion des terres
agricoles. L'agriculture traditionnelle se base sur un système de communauté et
de coopération pour gérer les terres qui ont des superficies importantes, sans
limitation avec des barrières ou des haies. Arrive alors la propriété
privée : le champ appartient à un propriétaire bien défini et il est
entourée d'une clôture. Les bocages apparaissent. Ces enclosures décidées par
voie législative marquent la fin du droit d'usage, particulièrement les
communaux dont bénéficient essentiellement les femmes. Il s'agit par exemple
le droit pour une communauté villageoise
de faire paître le bétail dans une forêt seigneuriale, celui pour les
femmes et les enfants de ramasser les grains tombés des épis pendant la
moisson.
La mise en
cause de ces droits a provoqué une forte réaction de la population pauvre
paysanne et particulièrement les femmes, dixit Jules Michelet dans les
« sorcières » en 1862.
D'autre
part, la population en France est en pleine expansion mais la production
agricole stagne à cause du manque de progrès techniques importants. Les
périodes de famine se multiplient en même temps que les guerres de
religion, les bandits de grand chemin, les guerres féodales qui détruisent les
champs.... provoquant des jacqueries. Il faut des bouc-émissaires et pour certains penseurs de l'époque,
ce ne pouvait être que la faute du diable qui se manifestait par le biais des
femmes.....
Evidemment !
Alors la population regardait d'un mauvais œil toute
femme un peu différente, un peu marginale, prompte à la dénoncer et à la
lapider. De la sorcellerie à la prostitution, il n'y avait qu'un pas, la vie
« dissolue » des femmes les rendant suspectes. Jusqu'au XIII ème siècle, l'Eglise n'a pas
condamné très sévèrement ces croyances
dans les sorcières considérant que c'était des histoires « à
dormir debout ». Mais par la suite, elle a décidé que le démon avait
pris une forme humaine, que les sorcières se réunissaient la nuit pour faire
rendre hommage à Satan et avoir des relations sexuelles avec lui. Elles étaient
accusées de remettre en cause le dogme de la chrétienté. Le sabbat devenait
réalité et les femmes accusées de sorcellerie ne pouvaient qu'avouer sous la
torture. Les procès se sont multipliés à partir du XIV ème siècle aussi bien devant les tribunaux
ecclésiastiques que laïcs et ont culminé pendant les XVI et XVIIème siècles.
Les accusées étaient soumises à des épreuves qui devaient prouver ou pas leur
culpabilité comme l'épreuve de l'eau : si elles se noyaient, ce n'était
pas une sorcière, si elles ne se noyaient pas, elles étaient condamnées au
bûcher !!!!! La barbarie, vous dis-je !!!!
Pour résumer, le Moyen-âge a été une très longue époque
où la religion a pris une place telle que la misogynie a fait œuvre de
politique publique ; les femmes ont servi d'alibi pour gérer d'autres
problèmes sociétaux et économiques notamment par le fait que le statut que
cette société leur attribuait en faisait les boucs-émissaires parfaits. A cette
période déjà, on aurait pu utiliser le terme de
féminicides, le pouvoir patriarcal ayant déployé sa barbarie envers les
femmes pour asseoir sa puissance.
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