Voici une question que je
me suis posée : quand un homme veut devenir femme, quel est le modèle qui
va le guider pendant sa transformation ? Vous me direz : « Tout
est possible, en fonction de son histoire, de son projet de vie.... » Je
suis d'accord mais cette question m'est
venue quand j'ai remarqué que beaucoup de femmes trans (formistes, sexuelles,
genres) utilisent des codes que moi je trouve éculés voire sexistes : la
FÂMME que l'on représente toujours avec le même dress code : taille
haute, longues jambes perchées sur des
talons de 20 cm, longs faux cils, maquillage outrancier, vêtements hyper sexy,
poitrine démesurée, attitudes lascives
que les mecs les plus machos ne désavoueraient pas. Je pense par exemple
à ce que fait Violet CHACHKI qui est drag queen (c'est-à-dire la reine
des « habillés comme une fille », dress as a girl ! Violet dit avoir beaucoup fréquenté le milieu
gay du sud des Etats-Unis où le milieu transformiste est très présent. Celui-ci
organise des concours de miss en tenue de bal strassée à la main ! J'aimerai savoir si beaucoup de femmes
revendiquent ces codes qui de mon point de vue enferment vraiment les femmes
dans un personnage complètement stéréotypé !!!!! De plus, si on ne veut
plus être un homme, pourquoi diable veut-on ressembler à la femme idéale
imaginée par et pour la gente masculine ? On retrouve ces mêmes codes
dans les carnavals ; ils sont un haut lieu de démonstration de ce que les
hommes ont dans leur tête : bas résille,
tenues hyper dénudées ! Les
femmes prostituées utilisent aussi ces tenues de travail qui les transforment en objets
sexuels ! Là, au moins, les choses
sont claires !!! Je me sens caricaturée en tant que femme et je comprends
que les relations femme/homme soient si compliquées, les hommes imaginant des
femmes qui n'existent pas dans la réalité ! Mais les transexuels ?
Étonnant, non ? Pour s'épanouir, rien ne vaut le plaisir de chercher une
apparence qui colle au mieux avec sa propre personnalité. Non ?
Alors ?
J'ai rencontré une femme
en devenir qui a commencé sa transformation depuis deux ans maintenant. Elle a
choisi de s'appeler Daisy. Une des premières choses qu'il a faites est de
s'épiler les sourcils ! Je me suis étonnée : est-ce que la féminité
passe obligatoirement par cet acte ? Pour lui, si, évidemment !
Combien de femmes autour de moi n'ont jamais songé à épiler leurs
sourcils ?
Daisy a bien voulu
répondre à mes questions. Pour la première, elle pense que la plupart des transgenres choisissent la
rupture brutale car la nécessité de changer est trop forte et elles utilisent
les codes féminins comme les talon aiguille, mini jupes.... C'est une
réponse ; je pense qu'il y en a d'autres.
Je lui ai aussi demandé :
POUR ELLE, QUI EST DAISY ?
–
Daisy est florale,
elle est coquette et adore les robes à fleurs, Elle revendique
le style gothique. Elle est très sensible. parle de fraîcheur, se voit
rayonnante. Elle porte les cheveux
longs.
–
Elle ne supporte pas
les poils : elle ne veut plus ressembler à un mec,
surtout poilu, c'est pourquoi elle apporte tant d'importance à l'épilation.
Cette année, une de ses objectifs est l'épilation définitive qui est
remboursée par la Sécurité Sociale à
raison de 17 €. Chaque séance coûte 60 €
!!!! 8 séances seront nécessaires. Elle a commencé en janvier. Auparavant, elle
pratiquait l'épilation à la cire sur le visage pour ne pas voir la démarcation
entre barbe et peau quand le rasage est fait avec un rasoir. Cette démarcation
lui rappelait toujours l'homme qu'elle n'était pas et dont elle a toujours l'apparence pour le moment. Le laser
enlève le bulbe du poil et celui-ci met beaucoup de temps à repousser. Elle a
vraiment besoin de cette épilation pour avoir ce visage féminin. Elle est prête
à faire des choses extrêmes pour aller jusqu'au bout de la transformation je dis extrême parce par exemple l'épilation
avec de la cire est très douloureuse. En fait, des sentiments multiples se
bousculent dans sa tête :
–
«
il n'y a pas seulement le fait de la démarcation de la barbe, des poils, mais
aussi le fait que de le voir dans un miroir est très dur. Si je me rase, la repousse est très
douloureuse pour moi : sentir ces poils qui piquent finissent même par
m'irriter. Du coup, je suis dans un extrême : si je ne peux pas m'épiler, je ne
veux pas pleurer ou souffrir en me regardant me raser. Je laisse donc pousser
la barbe jusqu'à la prochaine épilation. Cela a un double effet : me
"cacher" dans mon quotidien des hommes mais aussi faire que je ne
peux plus me voir ni toucher mon visage et au final, active souvent la présence
masculine que j'étais avant. »
–
Elle dit accepter son corps qui se transforme
lentement ; elle veut casser sa « carrure avec beaucoup
de muscles » en utilisant des subterfuges comme les robes sans manche.
–
Elle a vécu déjà deux fois en couple dans sa
vie d'avant et elle connaît ce qu'est la répartition des tâches ménagères
: actuellement, sa copine travaille et elle-même est au chômage. Pour elle, ce
n'est donc pas un problème de faire le ménage et la cuisine.
–
Daisy
travaillera ; Là, elle est au chômage depuis trois ans. Au départ, elle ne voulait pas être
électricien mais conceptrice de jeux vidéos. Etudes trop chers pour son père et
elle s'est retrouvée en électro technique. Elle a tout de même le niveau
ingénieur mais pense que ce sera difficile pour elle de rester dans cette
branche et sa dernière expérience en intérim s'est mal passée.
Elle est prête à changer
complètement de travail.
D'autres problèmes interfèrent : elle pense opérer son changement
de prénom et de genre en 2020. Elle s'est déjà renseignée.
–
Si elle travaille avec son identité masculine,
elle devra changer en cours de contrat.
il faudra alors que l'employeur
refasse le contrat et on arrive au problème du changement de statut et de
grille salariale.
–
Est-ce que ses diplômes vont être validés avec
le nouveau prénom ?
Pour le moment, travailler pour elle est difficile : les douleurs
provoquées par les changements corporels sont très lourdes, sa dernière
expérience professionnelle comme électricien en bâtiment ne s'est pas bien
passée dans un environnement où ses 90 collègues étaient des hommes. L'ambiance
testostéronée du chantier fait que elle n'a pas tenu le coup et a dû abandonner
au bout de deux mois et demi. Elle avait
peur de se faire coincer par des collègues de chantier dans un bâtiment
vide, Elle ne supportait plus ces mecs
qui ne parlent que de sexe, qui regardent la moindre femme qui passe avec des
commentaires sexistes. Comme elle a
perdu beaucoup de muscles et ne peut plus faire des tâches avec de gros efforts
physiques, elle a dû arrêter.
–
Depuis deux ans, elle bénéficie d'un suivi qui
peut être lourd ; en ce moment, c'est l'épilation, la psychologue et les
rendez-vous chez le psychiatre ou son médecin traitant. C'est pour cela que les
personnes qui souhaitent entamer une transformation peuvent demander à
bénéficier de l'Allocation Adulte Handicapé. Elle n'a pas encore fait la
démarche car elle ne se sent pas handicapée.
Si elle a l'AAH , elle dit « se réhandicaper à nouveau ».
C'est la société qui la handicape, elle ça va ! Son handicap est lié à son
diplôme et pas à son physique. Elle
pense qu'elle va demander à la Maison Départementale pour les Personnes
Handicapées à bénéficier d'un changement d'orientation professionnelle. Mais
quel métier ?
Comment se passe la découverte de son corps féminin
et du fait en général de devenir une femme après avoir été un homme ?
Elle s'habille en femme
uniquement quand elle n'est pas seule en
public. Elle n'y arrive pas et ne se sent plus en sécurité, d'autant plus
qu'elle est transgenre. Elle est encore plus sexualisée dans les regards
masculins. Depuis qu' elle a raconté sa transformation en cours à des
connaissances masculines qu'elle a depuis plusieurs années, leur regard a
changé ; dans la conversation, maintenant, elle a droit à des propositions
dégradantes. Elle ne se sent plus respectée. Son aspect est encore masculin et
elle ne s'est pas encore fait draguer comme ses amies à qui cela arrive
régulièrement et l'une d'elle a failli se faire violer deux fois.
Quand elle était homme,
elle a fait des blagues sexistes. Maintenant, elle voit le nouveau regard des
hommes à son égard ! Ça fait bizarre. Elle a vécu comme un homme avec une
éducation très masculine de par son père et maintenant, elle est obligée
d'avoir un nouveau comportement face aux hommes, bien que sa mère lui ait
toujours appris à respecter les femmes.
Par exemple, elle dit que
le sexe chez les hommes, c'est leur première nature. Chez les femmes, ce n'est
pas ça ; et maintenant, elle voit la différence !
Elle souffre de la
dysphorie de genre qu'elle définit
comme le fait de ne pas être constamment femme ou homme, un passage entre deux
états pas encore stabilisés. Elle a des troubles de l'humeur liés à ce
sentiment d'inadéquation entre son physique masculin et ce que elle ressent
comme étant une femme. Cela crée chez elle des malaises tels que la
transformation est vitale pour qu'elle trouve enfin un équilibre. Elle reprend
les réflexes de son « ancien moi » comme elle dit, quand elle se sent
en danger, c'est-à-dire son côté emporté et il lui arrive de se mettre dans de
grosses colères. Seule une présence féminine peut la calmer dans ces
cas-là ! C'est notamment pour ça qu'elle a besoin que l'image
renvoyée correspondent à ce qu'elle attend : plus de
poil ! Dans un premier temps....
Ses seins commencent à
être plus gros et elle a pris une taille de bonnet en un an. Elle est très
contente, dit que ça fait mal et que c'est gênant quand elle court ! Sur le plan hormonal, elle a des cycles. Il
faut aussi qu'elle s'habitue.
Elle dit aussi que les
hormones influent énormément sur son humeur ; le dosage hormonal équivaut à
celui d'une femme enceinte pendant tout le temps de la transformation avec tous
les effets secondaires !!! la musculature diminue, elle a pris du ventre,
sa taille a changé,.... Les hormones influent aussi sur son esprit.
Elle a toujours été
sensible mais maintenant, elle pleure souvent et montre davantage ses
émotions ; elle ne sait pas si c'est qu'elle devient plus femme ou bien si ce
sont les effets des hormones.
Elle sait qu'elle pourra
avoir accès à la chirurgie dite réparatrice car le discours des médecins est
d 'expliquer qu'elle est née dans le mauvais corps. Elle pourrait ainsi
supprimer ses attributs sexuels masculins et créer par la vaginoplastie par
exemple un semblant d'organe sexuel féminin. Tout ça est à voir plus tard et
c'est un choix personnel.
Quelle est sa perception des évènements tels
que ME TOO, la lutte actuelle contre les violences faites aux femmes, la place
que prennent les femmes en ce moment ; etc ?
Elle a conscience de
nombreux problèmes liés au fait d'être femme dans une société patriarcale mais
ce n'est pas sa priorité pour le moment. Par contre, elle est allée à la
première marche des fiertés en 2019 à Amiens avec sa mère. Comme elle change,
elle avait envie de l'affirmer. Elle se rend compte qu'il y a beaucoup de
transgenres et cette réalité la touche plus que le fait d'être femme. Elle est
informée sur la condition des transgenres à l'étranger (Canada, Etats-Unis).
Elle sait qu'elle va être
confrontée rapidement à des problèmes tels que les inégalités salariales
femme/homme.
Chronique de la violence ordinaire : une femme trans s'est fait agresser à Clermont -Ferrand. Libération
raconte : Samedi 28 décembre : « alors qu'elle fumait une
cigarette devant chez un ami, dans le quartier des Vergnes à Clermond Ferrand,
Nathalie, 53 ans, a été violemment prise à partie par une dizaine de jeunes
adultes explique-t-elle. « Au début, ils n'ont pas vu que j'étais trans,
ils m'ont sifflée et interpellée comme ils l'auraient fait avec n'importe
quelle femme. Puis ils se sont aperçus que j'étais transgenre, et là, les insultes
ont commencé. Un violent coup de pied dans le dos m'a projetée par terre, puis
ils se sont acharnés principalement sur mon visage. » Ses agresseurs en
profitent pour lui dérober son sac à main. Aux urgences, elle se voit prescrire
six jours d'incapacité totale de travail. Déjà victime d'une agression il y a
deux ans, elle a décidé de porter plainte, accompagnée par l'association
LGBT+Queer Auvergne. « Une démarche personnelle mais surtout militante
pour dire stop aux nombreuses violences transphobes, explique Nathalie. Les personnes trans et homo sont obligées de raser les murs pour ne
pas subir de remarques ou des violences physiques. Ca doit changer. »
La petite histoire raconte qu'elle a reçu un accueil exceptionnel au
commissariat, accueil qu'elle attribue à la pression médiatique qui a entouré
son histoire. Malheureusement, ce n'est pas souvent le cas et de nombreuses
personnes trans n'osent pas porter plainte. Comme les femmes
d'ailleurs !!!!
Merci Daisy. Je sais que
cette interview a été importante pour toi qui as besoin d'être écoutée. Ton
témoignage permettra certainement à d'autres femmes dans ta situation de se
reconnaître mais aussi à toutes celles et
ceux qui ne connaissent pas de
comprendre, d'être dans la bienveillance pour que cessent ces histoires
sordides.
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