OLYMPE ET LOUISE, REBELLES - La Tribune Libre

OLYMPE ET LOUISE, REBELLES 


Cette année est une année historique et la Fédération Anarchiste, à travers notamment sa Radio Libertaire, va vous faire découvrir la Commune, période pendant laquelle le peuple de Paris a pris le pouvoir et tenter de vivre autrement  avec des idées novatrices que nous défendons toujours aujourd’hui. C'était il y a 150 ans.

 

         Une figure se détache encore et toujours de cette épopée : Louise Michel. Sa vie toute imprégnée de ses idées a été le reflet de sa recherche d'un idéal social qui, ce jour encore, est pour nous une référence.

 

         Une nuit que je ne dormais pas, je pensais à cette femme et je me suis rendu compte qu'elle avait un, puis deux, puis plein de points communs avec une autre grande figure révolutionnaire qui a marqué tout autant son époque par ses combats et son enthousiasme à défendre la cause des femmes. A travers elles, je vais vous faire ou refaire découvrir deux grande figures de notre Histoire féministe.

 

         Marie Gouze est née en mai 1748 à Montauban.

         Louise Michel est née en mai 1830 dans un petit village de la Haute Marne, Vroncourt la Côte.

         A peine un siècle les sépare....

 

         Toutes deux ont du sang bleu dans les veines : le père de Marie est Monsieur Le Franc de Pompignan, amant de sa mère.

         Louise est le fruit d'une liaison ancillaire entre sa mère, Marianne, servante au château de Monsieur DEMAHIS Etienne et son fils Laurent.

 

         Toutes deux sont le fruit de liaison hors mariage, ce qui n'était pas très bien vu à l'époque. Les enfants adultérins et hors mariage n'avaient aucun droit.

        

         Marie fut mariée à 16 ans, à un vieux barbon qu'elle n'avait pas choisi, elle aura un fils à 17 ans …. et sera veuve à 18 ans. Elle décide alors de partir pour Paris. Elle refuse d'être la veuve Aubry, le nom de son mari ; elle prend le prénom de sa mère, Olympe, et ajoute une particule  ; c'est Olympe de Gouges qui commence une carrière littéraire à Paris où elle fréquentera les salons  ; tout cela est alors à cent lieues des convenances !!!

 

         Louise devra quitter le château familial à la mort de ses père et grand père sur ordre de la famille légitime. Devant  travailler, elle devient « sous-maîtresse » c'est-à-dire institutrice. Six ans plus tard, elle part pour Paris.          Parallèlement à son métier, elle écrit des poèmes qu'elle adresse à Victor Hugo qu'elle admire et avec qui elle entretient une correspondance suivi pendant près de trente ans !

 

         Toutes deux ont l'espoir de mener une carrière littéraire. Elles publient des romans, des pièces de théâtre qui sont jouées, des poèmes, etc. Toutes deux les irriguent de  leurs projets politiques qui emplissent leur vie : Louise  sera prèsente très tôt dans le mouvement qui va conduire à la Commune. Elle s'investit corps et âme. En Nouvelle-Calédonie, elle découvre l'anarchie avec Nathalie Le Mel, déportée politique elle aussi. Plus tard, elle donnera des conférences dans toute la France.

          Olympe écrit et monte ses pièces de théâtre, elle joue dans une petite troupe ;  elle publie des textes politiques qu'elle affiche dans les rues de Paris pendant la Révolution à laquelle elle va participer activement.

 

         Mais aucune des deux n'obtiendra de reconnaissance à travers leur œuvre. C'est leur rôle politique qui leur donnera une aura  jamais démentie à ce jour. La société aura tôt fait de les caricaturer en les affublant de surnom venus tout droit des images qu'on attribue ordinairement aux femmes : la vierge rouge pour Louise et une réputation de courtisane pour Olympe qui refusait le mariage et qui menait une vie très libre. A cette époque, cela équivalait à la prostitution.



Sur le plan personnel, Olympe refuse donc de se remarier. Elle vit avec un haut fonctionnaire de la marine. Elle n'accepte pas le mariage qui est une forme de « tombeau de la confiance et de l'amour »  pour elle ; de plus, elle devra demander l'autorisation à son mari pour publier son œuvre, ce qu'elle refuse catégoriquement d'envisager.

         Pendant la Révolution, elle propose de remplacer le mariage par un « contrat social de l'homme et de la femme » et est favorable au divorce.

         Louise ne vivra jamais en couple. On lui prête une passion amoureuse pour Théophile Ferré. Ceci dit, elle avait des idées très arrêtées sur le mariage :

« il y a entre les propriétaires des maisons de prostitution échange de femmes comme il y a échange de chevaux ou de bœufs entre agriculteurs ; ce sont des troupeaux, le bétail humain est celui qui rapporte le plus (…) Si mes grands négociants des marchés de femmes qui parcourent l'Europe pour leur négoce étaient au bout d'une corde, ce n'est pas moi qui irais la couper (…) Est-ce qu'il n'y a pas de marchés où l'on vend dans la rue aux étalages des trottoirs les belles filles du peuple tandis que les filles des riches sont vendues pour leur dot ? L'une, la prend qui veut ; l'autre, on la donne à qui on veut. La prostitution est la même (…) Esclave est le prolétaire, esclave entre tous est la femme du prolétaire. »

         Toutes deux vivront au cœur de deux périodes qui marqueront à jamais l'Histoire : la Révolution Française pour Olympe, la Commune de Paris pour Louise.

         Ces deux femmes sont radicales dans leur engagement : elles seront aux premières loges pendant les événements : pendant la Révolution, Olympe propose d'assurer la défense de Louis Capet, considérant que tout citoyen a le droit de bénéficier d'une défense pendant son procès. Elle sera « déboutée » au motif que une femme ne peut assumer une telle tâche !

         Louise est une des figures principales de la Commune. Elle propose même d'aller tuer Adolphe Thiers, chef des versaillais. Elle n'est pas suivie et le projet avorte.

         Leur implication dans les évènements leur donne une place de premier plan :

    Louise s'implique totalement dans la Commune ; on la voit partout ; elle sera garde nationale, ambulancière, propagandiste, animatrice de club politique...

    Olympe est passionément active pendant la Révolution ; elle fait des propositions de loi, écrit des textes politiques, est présente aux réunions, affiche ses opinions sur les murs de Paris, propose de défendre Louis Capet au tribunal....

         L'une sera déportée en Nouvelle-Calédonie, l'autre décapitée pendant la Terreur.



Leur combat concerne aussi les femmes. Louise est féministe dans la mesure où l'un de ses premiers combats concerne l'instruction des femmes. Quand elle sera devenue anarchiste, cette lutte pour les droits des femmes se poursuivra. Pour moi, cela paraît évident !!!  Ce n'était pas automatique pour les anarchistes de cette époque : rappelez vous les réflexions desastreuses de Proudhon !!!!

         Je ne peux pas m'empêcher de vous faire écouter ce chant magnifique qui fut créé cent ans exactement après la Commune et que nous chantons toujours aujourd'hui : L'hymne des femmes.  Il reflète bien ce combat :

« Levons-nous femmes esclaves.

Et brisons nos entraves.

Debout ! Debout »



Olympe clame l'égalité femme/homme et se bat pendant la Révolution. Et l'un des faits les plus marquants est sa « déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. » En effet, « la déclaration des droits de l'homme et du citoyen » de 1793 concerne ces messieurs, exclusivement. Alors Olympe utilise la même présentation pour affirmer les droits des femmes. Mais il faudra attendre la déclaration de l'homme de 1948 pour qu'on parle des droits humains (qui incluent toutes les femmes et tous les hommes).  Olympe a eu raison trop tôt et n'a pas réussi à faire entendre sa voix.

         Leur engagement ne concerne pas que les femmes.  Leur histoire les amènera à défendre d'autres peuples. Olympe va se battre  contre l'esclavage des noirs. Elle écrit notamment une pièce de théâtre sur ce sujet :  « Zamore et Mirza ou l'heureux naufrage », qui lui vaudra des menaces de mort et une lettre de cachet pour être embastillée. Elle échappera de justesse à la prison pour cette fois.  

         Louise rencontrera le peuple canaque pendant sa déportation en Nouvelle Calédonie. Très investie dans la pédagogie, elle fera la classe à des enfants  et des adultes canaques après la fin de ses années de bagne.

         Louise publiera aussi les  « Légendes et Chansons de gestes canaques » ; elle apprendra la langue kanak.

         Pendant la Révolution, Olympe a laissé de nombreux écrits en faveurs de l'abolition de l'esclavage et l'égalité des droits noirs-blancs particulièrement les droits des enfants mulâtres (enfants naturels nés de la relation illégitime d'une mère esclave et d'un blanc). Clin d'oeil à sa propre histoire ?

         En post-face de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne », elle rappelle la question des Noirs – autres exclus de la condition humaine – en raison du sort injuste qu'ils subissent,  en raison des troubles graves causées par les révoltes qui se multiplient alors dans les îles.

         Leur dénominateur commun et principal, elles sont rebelles :

    Louise refusera de prêter serment à Napoléon III, démarche obligatoire pour être instutrice. Elle ouvrira  toute sa vie des écoles alternatives, fidèles aux idées républicaines, avec des méthodes pédagogiques modernes, basées sur l'expérience et la créativité.

     Elle combattra avec l'habit de la garde nationale, au premier rang pour défendre Paris pendant la Commune. Arrêtée lors de la défaite, elle déclare à ses juges :

« Ce que je réclame de vous, c'est le poteau de Satory où, déjà, il faut me retrancher de la société. On vous dit de le faire. Et bien on a raison.. Puisqu'il semble  que tout cœur qui bat pour la liberté n'a droit aujourd'hui qu'à un peu de plomb, j'en réclame ma part, moi ! »

    Au pied de la guillotine, Olympe s'écriera : « Enfants de la Patrie, vous vengerez ma mort. »

         Dans l'article 10 de  la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, elle affirme : « La femme a le droit de monter sur l'échafaud. Elle doit avoir celui de monter à la tribune. » Elle sera décapitée le 3 novembre 1793.

         Au XXIème siècle, elles sont toujours là ; leur message a gardé toute son actualité ; il a été même précurseur dans nos sociétés. Ces prochains mois vont vous permettre de mieux connaître cette courte période que fut la Commune pendant laquelle des idées neuves furent  mises en pratique. Elles aussi sont toujours neuves ; elles sont pour beaucoup en danger dans certains pays quand elles n'ont jamais pu même seulement être envisagées dans d'autres. Si Olympe et Louise étaient encore parmi nous, elles seraient devant, ensemble !!!!!!

         Enfin, je m'endormais. Une heure passa, le réveil sonnait !!!!!!




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