LOUISE MICHEL ET EDUCATION PERMANENTE - La Tribune Libre

 

 LOUISE MICHEL ET EDUCATION PERMANENTE     

Dans le cadre des NoyonELLES, collectif d'associations qui se battent pour l'égalité femme/homme à Noyon dans l' Oise, j'ai eu l'occasion de découvrir l'éducation populaire et permanente.

          Ces deux mots indiquent clairement de quoi il s'agit et sont de plus en plus vulgarisés. Le concept a été consacré par une loi de 1970, cent après la Commune.

          Le CEPAG qui signifie Centre d'Education Populaire André Génot, la pratique dans son action auprès de la population belge. IL a édité une biographie de Louise Michel. J'ai eu envie de vous la faire partager car elle donne un éclairage différent de ce que nous avons l'habitude d'entendre au sujet de cette grande dame.

          Voyez plutôt :       

          Louise Michel a été institutrice ou plutôt «sous-maitresse » selon le vocabulaire de l'époque.

          Elle est élevée par ses grands-parents érudits qui lui donnent une éducation ouverte sur le siècle des Lumières. Elle adore la poésie et à 20 vingt ans elle envoie ses textes à Victor Hugo qui l'encourage. Cette correspondance durera presque trente ans.

          Quand à leur décès elle est obligée de travailler, elle pense tout naturellement à devenir institutrice. Elle réussit le « brevet de capacité » qui lui permet d'exercer en 1852. Sauf que pour enseigner dans une école communale, il faut prêter serment à Napoléon III. Fidèle à ses convictions républicaines, elle refuse. Elle ouvre alors des écoles privées en Haute-Marne où elle habite.

          Elle a une idée très précise de ce qu'est l'éducation  et utilise une pédagogie novatrice ; pas de châtiment corporel, il s'agit de susciter la curiosité des enfants grâce à des observations de terrain, à des expériences. Les élèves font des sorties dans la nature, il y a des animaux à l'école, une herboristerie, un petit musée géologique, un terrarium, un jardin. Les enfants jouent dans des pièces de théâtre créées à leur intention par Louise.

          Quatre ans plus tard, elle part pour Paris. Elle travaille d'abord dans un pensionnat pendant onze ans. Elle achète un externat à Montmartre grâce à l'héritage laissé par ses grands-parents puis une école où ses élèves bénéficient d'une grande liberté. Parallèlement, elle suit des coursd'éducation populaire dispensés par des républicains pour préparer le baccalauréat, épreuve qu'une première femme, Julie Daubié, venait de réussir le 17 août 1861. Entraînée par un de ses professeurs, elle enseigne le dessin, la géographie ancienne et la littérature dans une école professionnelle gratuite. En 1869, elle rejoint la Ligue du Droit des Femmes qui revendique dans un manifeste l'accès pour les femmes à l'enseignement secondaire, le droit au travail, et l'égalité des salaires. L'objectif de Louise est aussi de faire des enfants des futurs citoyens responsables au sein d'écoles laïques. C'est ce combat qu'elle mènera au sein de la Commune qui met en place les bases d'une nouvelle société.

          La Commune est écrasée. Louise est condamnée à la déportation en Nouvelle Calédonie.  Elle prépare son voyage comme une véritable expédition scientifique en collaboration avec la Société de Géographie et celle d'Acclimatation, promettant d'envoyer ses observations sur le climat, les plantes indigènes potentiellement comestibles. 

Ses mémoires contiennent d'ailleurs de longues descriptions lyriques sur la faune et la flore locales.

          Plus tard, quand sa période de bagne est terminée, elle reprend son métier d'institutrice à Nouméa qu'elle exerce auprès des enfants de colons pendant la semaine et avec les enfants canaques les dimanche. Pour eux, elle adapte ses méthodes pédagogiques. Là bas, elle s’intéresse à la culture et à la langue canaque.


De retour en France, elle devient conférencière. Plusieurs fois incarcérée, elle apprend le russe et l'anglais en prison. Quand elle est en liberté, elle est harchelée par la police ; elle décide alors de vivre à Londres où elle ouvre à nouveau une école qui est internationale, destinée aux enfants de réfugiés et de proscrits politiques. Elle s'inspire du théoricien Bakounine : la liberté doit prendre le pas sur l'autorité « pour former des hommes libres pleins de respect pour la liberté des autres ». On y enseigne les langues (français, anglais, allemand), la musique, le dessin, la couture et la gravure.

          Le CEPAG explique que Louise est une précurseure de l'éducation permanente dans la mesure où elle pensait qu'on apprenait toute sa vie, que les méthodes devaient s'adapter au public, enfant ou adulte et que le but de cette instruction était l'émancipation. « La tâche des instituteurs, ces obcurs soldats de la civilisation, est de donner au peuple les moyens intellectuels de se révolter. » Elle ajoutait : « Il faut donner aux enfants l'ardeur d'apprendre, l'amour du beau, l'horreur de devenir des tyrans ou des esclaves. »

          Ce centre poursuit lui-même ces objectifs en proposant une dynamique de formation et d'animation à des publics populaires sur des thèmes en lien avec le politique, le social, le culturel et l'économique.

En France, je connais la Boîte sans Projet, installée à Amiens qui dit AGIR POUR REDONNER DU POUVOIR D'AGIR. Comme outil, elle utilise notamment la conférence gesticulée. Et en 2018 c'est celui qu'a retenu le collectif des NoyonELLES. C'est grâce à Laïla, très branchée dans ce domaine, que nous avons fait ce projet avec cette association.

Avant d'aller plus loin, nous allons écouter un morceau de musique kanak.

         Cet outil de la conférence gesticulée permet de mettre en commun les expériences  des participantes sur un sujet précis, en l'occurence le féminisme. On les appelle « savoirs chauds ». Elles sont mises en perspective avec des  savoirs froids que sont les informations qui peuvent aider à comprendre le féminisme (histoire, lois, combats, etc.)  Le mot « féminisme » a été défini pour que nous parlions toutes de la même chose. La personne qui a mené la formation avait une idée du féminisme « intersectionnel » c'est-à-dire que les femmes ne sont pas déterminées que par leur statut de femme mais aussi leur race, leur origine sociale ou bien leur handicap ou encore leur religion. Moi je suis plutôt universaliste c'est-à-dire que je pense que toutes les femmes du monde subissent la même exploitation, quelque soit la forme culturelle ou sociale et que la réponse est universelle. Je vous laisse imaginer les débats mais ces deux approches permettent aussi de bien comprendre la transversalité du féminisme qui concerne tous les aspects de la vie d'une femme. Je pense que du coup tout le monde a pu se faire une idée plus précise dans ce monde des idées qui évoluent constamment.

           À partir de toute cette matière, nous avons monté un spectacle  ;  les tranches de vie des participantes ont été mises en scène par elles-mêmes dans une forme théâtrale, complétées par un texte qui contextualisait chaque saynète.  Ces savoirs froids étaient apportés par le personnage de Olympe de Gouges.

          Nous avons vécu des moments formidables d'échanges et de réflexion. Ils nous ont permis de prendre conscience de la valeur de nos expériences que nous avons réévaluées en leur donnant du sens ; ce que nous avons vécu, ce qui nous a rendu fortes, ce qui enrichit notre projet féministe personnel avec le souhait de le transmettre sur une scène !!! Quelle expérience !  Et Liliane qui s'est battue pour garder son nom de naissance au moment de son mariage, Et Laïla qui raconte sa place dans certaines soirées quand elle lisait des histoires aux copains illéttrés de son père venus pour l'occasion.... Et moi ? Moi, j'ai figuré Olympe de Gouges, pour rappeler ce texte de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne ».

          Et l'intérêt de cette conférence est aussi le partage avec un public d'infomations faites de chair et de sang et les compléments théoriques que nous avons choisis.

          On est donc complètement dans l'éducation permanente qui fait de tout au long de sa vie, grâce notamment à ce genre d'outils, on peut apprendre ou transmettre des savoirs.


Notre première « conférence gesticulée » publique – 2018

 

QUESTIONS à LAÏLA

Je vais vous faire écouter l'entretien que j'ai enregistré avec Laïla, très active dans le collectif. C'est elle qui nous a orienté vers ce projet.

Juste avant, je vous rappelle que Laïla et moi appartenons à un collectif de six associations noyonnaises que nous avons appelé les NoyonELLES. Ces associations ne sont pas spécialement féministes mais toutes attachées aux droits des femmes :

* la section Compègne Noyon de la Ligue des droits de l'homme

    * l'association SORAANANKA fait de la cuisine sénégalaise

* YAKAMOVIE  travaille avec les écoles, les jeunes des quartiers par l'intermédiaire de la vidéo

*  UPT assure l'apprentissage du français auprès des migrants

* « Graine de vie »  travaille auprès des populations précaires (aide alimentaire...)

* « Femmes d'aujourd'hui » organise des cours de cuisine et couture dans les quartiers populaires.

Je dois dire que si toutes nous nous définissons comme féministes au sein de ce collectif, nous sommes peu à avoir une culture dans ce domaine. Ce qui fait que nous avons un socle commun qui est la lutte pour l'égalité femme/homme et la lutte contre les violences faites aux femmes. Le collectif est justement un lieu de formation permanente  et de discussion qui permet de constamment revisiter tous les sujets auxquel les femmes du collectif s'intéressent. 

Nous allons écouter un texte écrit par Louise Michel et lu par Nelly TRUMEL : « Esclave est le prolétaire, esclave entre tous est la femme du prolétaire. »

J'ai donc posé plusieurs questions à Laïla :

interview jusqu'à « libérer la parole »

J'ajoute :

* proposer un spectacle original qui vulgarise des informations sur le féminisme à destination d'un public qui n'est pas familier de ces idées.

* formation permanente de sept membres du collectif : une sizaine de séances ont eu lieu le samedi avec repas en commun pour mettre le projet sur pied. Il a été représenté deux fois.

          Cette formule s'adresse à toutes sortes de personnes dont les pré-requis de base sont très variés. Le côté ludique, l'idée de construire ensemble quelque chose de nouveau, le fait de se rencontrer dans un contexte différent que ce que nous connaissons et le temps de se poser (nous sommes beaucoup dans l'action et ce projet a permis plus d'échanges) ont été des atouts ainsi que l'apprentissage de notions nouvelles cohabitant avec des expériences personnelles.

          De même, ces caractéristiques pouvaient s'appliquer aux publics qui verraient la conférence : les histoires que nous avons racontées, les infos que le spectacle a permis de diffuser étaient mises en valeur par la mise en scène théâtrale.

          Peux-tu raconter un moment fort ?

          En conclusion, la conception de Louise Michel était visionnaire et les méthodes telles que « les conférences gesticulées » sont des moyens passionnants pour que nous puissions echanger nos savoirs, nous organiser dans le combat permanent que représente le féminisme. Cette « conférence gesticulée » a représenté un moment fort de la vie du collectif des NoyonELLES.

          




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