VIVEMENT L'ORTOGRAFE - La Tribune Libre

 VIVEMENT L'ORTOGRAFE 

    L'orthographe, la grammaire, les conjugaisons... sont le cauchemar de beaucoup de francophones, jeunes ou moins jeunes. Et ça ne date pas d'aujourd'hui malgré l'évolution permanente de notre langue. On ne parle plus et on n'écrit plus du tout comme du temps de Molière. Cette évolution est normale et inéluctable. C'est même le propre d'une langue vivante. En 2022, vous allez prendre le taxi et non plus héler un fiacre ! Mais à contrario, à cette époque, la langue était plus souple, moins figée dans les règles.

    Alors quand j'entends certaines personnalités connaissant bien le sujet, je me demande pourquoi elles veulent à tout prix défendre ou fixer quelque chose qui ne peut-être que mouvant et sensible à de nouveaux mondes. Si ce n 'est s'arquebouter sur ce qu'ils considèrent comme un privilège ? Parce que faisant partie de l'élite garante de Valeurs, quelles valeurs ? qui ne tiennent compte d'ailleurs aucun compte des changements de la société et du coup n'ont pour moi aucune légitimité ? Le "c'était mieux avant "? La Tradition, avec un grand T ? Je propose que ces personnes mettent les vêtements que Molière et sa société utilisaient ! Ce serait drôle, au moins.... et super inconfortable !!!!! L'évolution vestimentaire a du bon. Pourquoi pas la langue ?

Tout d'abord, à quoi sert une langue : pour moi, à communiquer avec touTEs les membres d'une même communauté linguistique, que ce soit la boulangère du quartier ou le journaliste, la béninoise ou le québecois. Ces communautés n'ont donc rien à voir avec la population d'il y a un siècle, à fortiori celle qu'a connue Molière. Chacune de son côté, elles ont fait évoluer la langue : on magazine au Québec et on lèche les vitrines en France ! On constate maintenant depuis un siècle, la baisse significative du niveau en orthographe ; à titre de comparaison, les élèves de la classe de troisième en 2005 ont le même niveau que celles et ceux de cinquième vingt ans plus tôt.

     C'est Christophe Benzitoun, spécialiste de la linguistique, qui l'écrit. Il m'a vraiment conforté dans mon analyse en apportant ces arguments qu'il a développé dans un article dans LIBÉRATION du 28 janvier 2022.     

    Il dit par exemple : "Aucune recherche n'a jamais démontré l'existence d'une époque où une majorité de Français en faisait un usage virtuose, ce qui n'est guère étonnant eu égard à son extrême difficulté" Il ajoute : "Ainsi même si l'on peut déplorer une baisse de niveau en orthographe avérée en un siècle d'école, jamais autant de Français n'ont appris à lire et à écrire qu'à l'époque contemporaine. Dit autrement, les meilleurs en orthographe étaient plus performants il y a un siècle mais plus d'élèves savent aujourd'hui écrire », ce qui est extrêmement important ! 

    N'oubliez que depuis de nombreuses années, l'objectif de l'Education Nationale est d'amener une classe d'âge au niveau baccalauréat et nous sommes à presque 80 % d'élèves qui passent cet examen en 2022 ! Les résultats observés en 2015 montrent que la baisse continue. Cela n'est guère une surprise. Il explique que notre langue est l'une des plus difficiles au monde et qu'il est à peu près impossible de l'apprendre dans le seul temps scolaire, ce qui est source d'inégalités. Dès 1965, la commission Beslais rendait un rapport sur l'intérêt de simplifier l'orthographe pour endiguer une dégradation rapide du niveau. Rien ne s'est vraiment passé et il y a urgence. 

« Or on sait l'importance que revêt la maîtrise de l'orthographe pour l'insertion professionnelle. » Il considère même qu'il faut en faire une priorité nationale, c'est dire ! Il propose : "Dans cette perspective, il suffit de définir un degré de tolérance acceptable et un rapport moins fétiche à l'orthographe. Cela transformerait durablement notre représentation de la langue. L'orthographe occuperait une place moins centrale et aurait moins de poids sur la destinée des élèves. On pourrait aussi observer quels sont les usages qui se manifestent et faire évoluer en conséquence les ouvrages de référence listant les différentes variantes qui auparavant étaient des fautes. »



ANGELE : « balance ton quoi ! »

Pour simplifier l'ortografe, il donne un exemple que les féministes recommandent dans l'écriture inclusive : 

« Par exemple, s'apercevoir qu'il existe un accord de proximité bien vivant à côté de l'accord au masculin (ce que l'observation des textes démontre)." 


    Et nous les féministes avons tout intérêt à ce que cette simplification se fasse avec l'intégration de l'écriture inclusive qui à nos yeux a un double intérêt : elle se base sur la logique, sans aucun stéréotype qui vient en polluer l'application ; et une pratique organisée de cette écriture ne peut qu'augmenter la compréhension mutuelle ; il est facile de constater que la version masculine de la langue française aboutit à des incohérences, des aberrations, des omissions et des règles qui sont préjudiciables à la compréhension du texte mais aussi l'application de l'égalité entre femmes et hommes. Ce que l'écriture inclusive résoudrait. On passerait d'une pratique idéologique (le masculin est Supérieur au féminin et du coup fait fonction de "neutre", ce qu'il n'est pas !!!) à une orthographe basée des constats logiques et faciles à appliquer : les hommes et les femmes sont égales. Là, voilà notre « accord de proximité » ; on accorde l' adjectif au nom le plus proche ; on n'a plus à s'incliner devant le masculin dominateur : un petit homme et des grandes femmes sont différents ! Un peu de logique tout de même : un petit homme et des grandes femmes sont égales. Et c'est facile à enregistrer !!!

    Je reverrai pour ma part la suppression de toutes les exceptions qui font le charme (vraiment?) de notre langue en tolérant justement les « variantes » qui faciliteraient la vie de tant d'enfants qui ont sué sang et eau à retenir les choux et les cailloux !!! 

    Pour en revenir à nos moutons, l'ordre alfabétique, l'utilisation de mots épicènes, qui ne sont pas genrés (élève, membre,...), user du féminin et du masculin (mesdames, messieurs), voilà quelques règles qui pourraient contribuer pleinement à cette simplification et à l'inclusion évidente du feminin dans la culture écrite et orale. Déjà, l'obligation qui est faite de féminiser les noms de métier est un bon début pour permettre un changement des habitudes et bientôt les pompières n'étonneront plus personne. Mais que de résistance !

Monsieur BENZITOUN ajoute : "Un vent de liberté soufflerait sur la langue française et une plus grande égalité se ferait jour parmi les élèves.» Je confirme cette image car de mon côté, j'essaie d'appliquer l'écriture inclusive avec ce souci de simplification et j'adore "inventer" ce qui n'est pour moi que des évidences et illustrent cette souplesse qui fait la richesse de notre langue : exemple : une bébé. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi ce mot n'est pas épicène ?

Ces exemples ne sont pas limitatifs et ce sera la richesse de notre langue : inventer des règles plus simples et plus égalitaires. D'autre part, je complèterais l'idée d'égalité : «entre femmes et hommes ». Bien sûr ! En résumé, simplification et féminisation de l'ortografe devraient apporter une plus grande facilité de lecture, de compréhension du monde et de communication entre les communautés francophones, femmes et hommes, à égalité. Et je suis tout à fait d'accord avec Christophe Benzitoun : il y a urgence. 


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