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Emission Femmes Libres du 1er février 2023 sur Radio Libertaire

Claude Rua / Les Sportives 2022

·       D’Ève à Philomène sans oublier les autres : le portrait de Claude Rua (1930-2023). Notre amie et compagne de l’émission Femmes libres est décédée le 22 janvier. Nous lui rendons femmage en son souvenir, en présentant sa biographie et en réécoutant sa voix par des extraits d’émissions.

·       Les Sportives 2022 : Accompagner les victimes de violences sexistes et sexuelles : quels défis pour le monde sportif. Extraits et commentaires. Dans le cadre de la semaine de l’Arcom.

·       Infos, communiqués et rendez-vous

Féministes tant qu’il le faudra

Bonne écoute 



Claude Rua (1930-2023), née Bouchot

 

Claude Bouchot est née à Paris le 27 mars 1930, de parents tenant un café-bar, près de la Gare du Nord, boulevard Magenta dans le 10e arrondissement. Durant l’occupation allemande, elle a été envoyée dans un pensionnat à Cluny, et y subit la dure discipline qui y était imposé. Elle s’est mariée avec Jacques Rua, menuisier-ébéniste, en 1957 et ils habitèrent quelque temps à Montreuil-sous-Bois (93) puis en haut de la rue de Maubeuge dans le 10e arrondissement. Ils eurent deux enfants, Philippe en 1959, et Michel en 1962. Les fils sont installés depuis plusieurs années, l’aîné en Finlande, le cadet à Nantes, ayant eu un fils pour Philippe et deux fils pour Michel, tous très attachés à leur grand-mère.

 

« J’habitais rue de Maubeuge, à Paris, au troisième étage. J’y voyais très bien le carrefour Magenta-Maubeuge. Un jour, une grande barricade fut constituée à cet endroit. Les forces de C.R.S. étaient importantes et je fus impressionnée par leur acharnement. Ils n’avaient plus rien d’humain. Ils ressemblaient à de gros insectes noirs. Ils ont chargé. Quand les manifestants se sont dispersés, ils les ont poursuivis dans les portes cochères, dans les escaliers, pour les frapper. S’ils tombaient, ils les frappaient à terre, ou les relevaient pour mieux cogner. J’étais ulcérée, révoltée, j’étais là, à une fenêtre, impuissante, et je les insultais à pleins poumons. À partir de ce jour, j’ai gardé une allergie, non plutôt une répulsion des C.R.S. »

 

Léa, Claude, Nelly et les autres, dans Mai 68 par eux-mêmes. Le mouvement de Floréal An 176, textes et propos recueillis par Chroniques syndicales, Femmes libres (Radio libertaire) et le groupe Pierre Besnard de la Fédération anarchiste, éditions du Monde libertaire, 1989, p. 127.

C’est en 1981 que Claude quitta son mari et ses enfants, « pour survivre » disait-elle, tout en gardant son nom de femme mariée : Claude Rua. Après un temps à Juvisy (91), elle demeura ensuite rue Georges Lardennois dans le 19e arrondissement, puis en 1995, s’installa au 108 avenue Jean Lolive à Pantin (93). Avant son mariage, et durant la période qu’elle vécut avec son mari, elle s’occupait de la partie textile de leur commerce, travailla dans la vente de tissus d’ameublement, fut représentante en jouets auprès des grandes surfaces, ce qui lui occasionnait de longs trajets en voiture et des horaires très élastiques, et a tenu quelques années une boutique de jouets. Elle s’arrêta de travailler à 66 ans.

C’est en 1984 qu’elle rencontra Jean-Michel Damien dans un collectif antiraciste. Il l’invita à rejoindre le groupe Pierre Besnard de la Fédération anarchiste là où il militait déjà depuis 1981. Au sein du groupe, Claude s’est investie comme trésorière à deux reprises, et dans toutes les activités militantes : participation aux réunions du groupe, aux débats publics et aux différentes conférences organisées par le groupe et la région parisienne, vente du Monde libertaire hebdo puis mensuel, animations au sein de la librairie Publico (livres, films), diffusion de tracts, manifs à Paris, et même manif européenne à Strasbourg en 1997, participation à plusieurs congrès fédéraux, et dans un premier temps à quelques émissions de Femmes libres sur Radio libertaire avec Nelly Trumel. Claude a participé à plusieurs CFA, centre de formation anarchiste, dont un dans les gorges du Verdon en 1989, et d’autres en région parisienne. 

Elle s’est impliquée dans la Commission Femmes de la Fédération anarchiste dès la fin des années 1980 et durant la décennie 1990, elle participa à de nombreuses manifestations du mouvement féministe, comme les États généraux pour le respect du droit à l’avortement et à la contraception « L’amour est à nous » à la Sorbonne les 18 et 19 janvier 1992 et participant activement à la Rencontre internationale Anarchaféministe le 2 mai 1992 à la Plaine Saint-Denis. De 1990 à 1997, Claude représenta la Fédération anarchiste dans la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (CADAC) et au Collectif national pour les droits des femmes de 1996 à 1997. Elle participa ainsi à la Rencontre européenne sur l’avortement et la contraception au PLM Saint-Jacques à Paris en 1994, aux Assises nationales pour les droits des femmes, à la Plaine Saint-Denis en mars 1997.

Dès 1998, elle participa régulièrement à l’émission Femmes libres une fois par mois, avec Elisabeth Claude et Hélène Hernandez, puis à partir de 2013, toutes les semaines, avec Kadia Rachedi, Michèle Crès, Sylvie Gillot, qui ont rejoint l’équipe de départ, et aussi Marie-Jo Pothier qui vient une fois par mois de Noyon (60). Jusqu’en décembre 2022, sans faille, autre que des vacances ou des examens médicaux, Claude anima la rubrique Informations et Rendez-vous, et donna de temps à autre son point de vue sur les sujets traités au cours de l’émission Femmes libres.

Dans les années 1990, elle assura durant deux années le mandat d’administration de la librairie Publico, avec Jean-Claude Richard comme comptable. C’est ainsi qu’elle représenta la librairie à Montréal avec Elisabeth Claude. Autre activité fédérale : durant plusieurs années, elle passa son dimanche après-midi avec Fabienne et Thierry Porré à coller les étiquettes des abonné·es au Monde libertaire avant l'envoi, et ce dans leur appartement dans le 19e arrondissement.

Claude contribua au livre Mai 68 par eux-mêmes, cité plus haut, en décryptant les cassettes des diverses émissions sur Mai 68 pour en faire des articles pour le Monde libertaire en 1988, et ensuite pour constituer le livre publié en 1989. Elle contribua aussi à Anarchisme, Féminisme, contre le système prostitutionnel (2009), brochure coordonnée par Hélène Hernandez et Elisabeth Claude, éditions du Monde libertaire. Et elle participa ensuite, en tant que membre de Femmes libres, au livre Nelly Trumel, Faut que ça germe !, publié en 2016, éditions du Monde libertaire et Les Éditions libertaires.

Au-delà du milieu militant, elle participa très activement, pendant près de vingt ans, à l’Association du Ciné 104 à Pantin pour promouvoir des débats et animations autour des films présentés. Jusqu’à la période de Covid, Claude a profité de sa retraite en faisant de l’acqua-gym, en lisant énormément, en fréquentant un club de danse deux fois par semaine, et en voyant très régulièrement des amies qui l’ont accompagnée jusqu’au bout. Elle élargit ainsi régulièrement puis maintient son réseau militant et amical, appréciée de toutes et tous par sa disponibilité efficace.

Son engagement était solide : féministe, antiraciste, antifasciste, antimilitariste, … anarchiste, jusqu’au bout. Cela ne l’empêchait pas d’être très coquette, maquillée et habillée avec soin, et cela ne l’empêchait pas de dire ce qu’elle pensait directement, déterminée. Très tôt, elle voulut décider de sa vie, et refusant l’acharnement thérapeutique et les soins palliatifs, elle choisit le moment de cesser de se battre ! Un dimanche 22 janvier 2023.





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