Tribune libre : BACKLASH... ATTENTION BACKLASH... - Émission du 14 juin 2023 – Podcast

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Pour le blog, je n'ai pas résisté à utiliser la photo publiée par Télérama tant je la trouve juste. Il s'agit du portrait d'une jeune femme, le regard perdu au loin. Son visage est barré par l'empreinte sanguinolante d'une main plaquée sur sa bouche.

          Backlash ! Attention Backlash !!!! 

BACKLASH, BACKLASH.....Ce mot résonne de plus en plus comme une claque dans le monde féministe. Il signifie « régression après une avancée » ou « contrecoup » et des évènements récents nous confirme que ce baklash est en cours et qu'il est redoutable.  

          J'ai trouvé un éclairage intéressant dans le Télérama du 10 mai dernier dans le dossier « après #MeToo,  le backlash ; les droits des femmes attaqués » qui m'a permis de le mesurer. J'avais déjà un ressenti désagréable, il a été plus que confirmé ; ce qui m'a déjà vraiment mis en colère est la dernière réforme des retraites en France qui de nouveau pénalise les femmes. Malgré #Me Too, malgré des prises de conscience sur la situation des femmes en général et en France en particulier, une loi paupérise volontairement des millions de femmes. Dans le même temps, on parle d'inscrire le droit à l'avortement dans la Constitution pour que ce qui se passe aux USA  ne puisse se produire en France. On se demande bien si ce sera possible !!! Car en y regardant de plus près, en associant toutes les informations qui nous arrivent les unes après les autres, je suis bien obligée de constater que ce mouvement de fonds est délibérément construit pour détruire notre objectif d'égalité et de justice. #Me Too n'a toujours pas eu tous les résultats escomptés. Il faut dire que nous partons de loin ! La journaliste Juliette Cerf énumère tous ces événements qui, réunis, stupéfient par leur violence, notamment pendant ces derniers douze mois : la révocation de l'arrêt Roe vs Wade qui accordait le droit d'avortement aux Etats-Unis, le décret hongrois obligeant les femmes à écouter le cœur du fœtus avant d'avorter, le registre dans lequel les médecins polonais sont obligés d'inscrire le nom de toute femme enceinte, la politique talibane de plus en plus destructrice contre les femmes afghanes, la répression irannienne contre le mouvement « femme, vie, liberté », la politique de la présidente italienne Meloni qui, d'ailleurs se fait appeler « il presidente » ; elle veut réduire la fonction des femmes à celle de mère, etc.

          Ce concept de Backlash n'est pas récent ; il date de 1991, développé dans un livre de Susan Faludi : « Backlash, la guerre froide contre les femmes » traduit maintenant aux éditions Des Femmes. Il analyse le retour conservateur  qu'a provoqué la politique de Reagan aux USA ; l'autrice explique que la légalisation du droit à l'avortement en 1973 avait entraîné une puissante contre-offensive pour annihiler les droits des femmes, émanant de la nouvelle droite alliée aux réseaux évangéliques très implantés chez les Républicains américains.

          Cette réaction ne date pas de #MeToo mais elle a pris un coup d'accélérateur terrifiant ! La journaliste cite Marion GARCIA, philosophe, autrice de « on ne naît pas soumise, on le devient ». Elle explique : « Très fort phonétiquement, mimant la gifle qui veut remettre les femmes à leur place, ce terme de backlash propose une vision trop simpliste de ce qui est en train de se jouer. Il décrit une régression qui surviendrait après une avancée alors qu'il s'agit en fait de deux facettes d'un même phénomène, témoignant de la force de la relative réussite du féminisme qui structure désormais le débat, et pousse chacun à se positionner. Le combat des femmes, la remise en cause de leur soumission ont des effets massifs sur la société et déstabilisent quantité d'hommes, qui fantasment encore les figures de la maman et de la putain... » Elle trouve donc ce mot pas suffisamment explicite mais d'une efficacité stratégique » nécessaire car il s'agit d'appeler à la vigilance comme Simone de Beauvoir l'a fait en 1974.

          À l'ONU, le secrétaire général Antonio Guterres a constaté lors de l'ouverture le 6 mars dernier de la session concernant la commission de la condition de la femme : « les progrès réalisés depuis des décennies s'évanouissent sous nos yeux. L'égalité des genres est un horizon de plus en plus lointain. ONU Femmes estime qu'au rythme actuel il faudra attendre trois cents ans avant de l'atteindre (…) Le patriarcat contre-attaque. Mais nous ripostons ! »

          Nous allons faire une pause musicale avec Tina Turner qui est une nana qui m'impressionne beaucoup. Elle vient de nous quitter mais laisse un héritage musical de OUF ! Elle a aussi connu les affres des violences conjugales qu'elle a réussies à combattre. Et j'ai choisi : « A fool in love ». Quelques paroles : « il me fait sourire, je devrais avoir honte ; il me fait rire, alors que mon cœur saigne, je dois être stupide cat je fais tout ce qu'il me demande. »

          


Comment en est-on arrivé là ?

          Le patriarcat NE PEUT envisager un instant de perdre le contrôle et pour ce système basé sur le pouvoir et la domination, l'égalité des sexes serait une défaite. Aussi #Me Too a été un marqueur qui le fait réagir à la puissance 100, 1000.  Beaucoup d'hommes ne veulent pas être égaux aux femmes et ils sont décidés à imposer encore et toujours leur vision du monde qui pourtant a montré ses limites ; en terme d'humanité, le patriarcat tue des millions de femmes par les violences qu'il génère, les conditions de vie qu'il impose, les injustices dont il pense profiter : une femme meurt toutes les neuf minutes pendant un avortement non sécurisé dans le monde. Le problème est que cette violence fait partie de la stratégie de ce système, ce qui explique que les mesures prises sont complètement insuffisantes si les mentalités ne changent pas.  

           Qui représente le patriarcat ?  Des courants religieux conservateurs se popularisent et se mondialisent ; on assiste par exemple à une implantation très massive des évangélistes en France. Ils prospèrent grâce à l'utilisation des méthodes du monde des affaires. Ils appartiennent à un courant chrétien protestant qui soutient notamment Trump aux USA ou Bolsonaro au Brésil. On ressent aussi l'influence de plus en plus forte des états pétroliers du golfe qui utilisent le soft power que leur confèrent leurs immenses richesses en hydrocarbures pour peser sur la politique internationale : tournoi  mondial de foot, présidence à la COP 28 (on croit rêver : un roi du pétrole au sommet d'un raout écologique !!!!), ouverture de musées, développement international du tourisme, espionnage au sein de l'Union Européenne.... Leur projet de société qui transforme les femmes en dark vador ne peut que nous faire froid dans le dos. Ils s'entendent comme larrons en foire avec les dictateurs qui se multiplient à vitesse V et qui prennent une dimension internationale comme Xi, Poutine ou Erdogan...qui n'y voient aucun inconvénient. Trump a laissé une marque durable tant sa misogynie est caricaturale. Il a rencontré son public et aujourd'hui encore son influence est redoutable. Des phénomènes tels que la pop coréenne qui envahit le monde entier véhiculent les stéréotypes habituels.

          Vous vous souvenez de ma tribune concernant les réseaux sociaux dans laquelle je décrivais la prise en main massive des sites masculinistes qui ainsi peuvent diffuser leurs pensées misogynes avec une terrible efficacité surtout lorsqu'ils s'appuient sur des faits divers, par essence, très suivis. Et l'histoire du procès ultra-médiatique de Amber Head et de son ex, Johnny Depp qu'elle accuse de violences conjugales et lui de diffamation a été l'occasion pour eux de toucher des millions de jeunes en prenant fait et cause pour l'homme et en utilisant tous les moyens possibles (humiliations, fake-news, vidéos détournées...) contre la femme.

        Les algorithmes qui gèrent industriellement les contenus de ces réseaux sont profilés pour promouvoir ces idées hétéro normées et ne pas diffuser les concepts féministes. Ils sont au main de personnes extrêmement riches, dont les richesses sont parfois supérieures à celles de certains états, et qui pèsent de tout leur poids sur la marche du monde. Les « maîtres » de ces networks sont donc tous masculins, très riches et imposent leurs visions machistes dans tous les domaines. Leur offensive est d'une extrême violence contre l'égalité des droits. Nous connaissons toutes et tous les noms de Elon Musk, Bernard Arnault, Jeff Bezos et les patrons des réseaux sociaux ( Larry Page pour Google, Bill Gates  pour Microsoft,  Mark Zuckerberg pour Facebook-Meta, etc.)

          « N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »     Ce sont les mots de Simone de Beauvoir. Regardons nos acquis aujoud'hui.. Etre féministe n'est plus être une femme systématiquement « mal baisée » ou une sorcière. De nombreuses femmes, célèbres ou pas, se disent ouvertement féministes et cette popularité doit nous permettre de continuer à parler haut et fort. Les vieux schémas du couple et deux enfants sont devenus des vieux schémas, toujours d'actualité mais complétés par d'autres perspectives que le mariage pour tous (et toutes) a mis dans la lumière depuis dix ans. Les femmes s'en emparent et je connais pour ma part, des femmes qui ont plusieurs types de relations pendant leur vie, en toute banalité.... L'homme n'est plus forcément l'idéal de vie pour une femme, il existe d'autres possibilités et c'est tant mieux. Vous me direz que les hommes aussi en profitent. Certes mais dans le combat qui est celui des femmes, plus le fait qu'un projet de vie ne soit plus systématiquement axé vers l'idéal masculin devrait permettre aux femmes d'acquérir plus de liberté pour parler et se battre pour tout le reste car ainsi, elles peuvent prendre de la distance avec le discours patriarcal. Du moins, il me semble. C'est une piste parmi d'autres..... 

Féministes tant qu’il le faudra

Bonne écoute 

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