Édith Cowan - née Brown (1861 – 1932) - Femme politique australienne, militante sociale, franc‐maçonne et première femme élue parlementaire en Australie.
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"Les femmes souhaitent vivement être mises dans des conditions absolument égales à celle des hommes. Nous n'exigeons ni plus ni moins que cela."
"Les femmes souhaitent vivement être
mises dans des conditions absolument égales à celle des hommes. Nous n'exigeons
ni plus ni moins que cela."
A dit Édith Cowan, qui naît Brown en 1861 en Australie, pays où elle
décède en 1932.
C’est une réformatrice féministe
courageuse et la première femme a avoir été élue au parlement australien.
Femme politique, militante des droits des
femmes, travailleuse caritative, parlementaire, ardente défenseuse du bien-être
des femmes et des enfants, elle croit en la valeur de l'éducation.
Elle a joué un rôle essentiel en aidant
les femmes d'Australie occidentale à être parmi les premières au monde à
obtenir le droit de vote et a été responsable du projet de loi sur le statut
juridique des femmes en et est devenue l'une des premières femmes juge.
Elle s'est battue pour les
premières maternités avec des sages-femmes qualifiées.
Pourtant Édith Cowan n’a pas un début
de vie facile et doit relever de nombreux défis qui vont forger sa personnalité
et avoir un impact important sur ses valeurs et sur sa vie future et qui ont
sans doute influencé son activisme en faveur des femmes et des enfants
Édith naît en 1861, la deuxième de six
enfants. Son père est éleveur de moutons en Australie occidentale Ses deux
parents sont issus des premiers colons de la région, ils sont pieux et
conservateurs, et elle mène une petite enfance heureuse et sans entrave.
Jusqu’au jour où sa mère décède en couches
alors qu'elle n'a que sept ans. Edith est envoyée dans un internat, dirigé par
les sœurs Cowan, dont elle épouse le frère en 1879.
Mais un autre drame arrive. Son père
sombre dans
l'alcoolisme et la dépression. Il se remarie et abat sa femme. Reconnu coupable de meurtre, il est
pendu pour son crime. Elle a 15 ans, est orpheline et doit faire face à
l’humiliation publique. Sur la famille, l’effet
émotionnel de la honte du père est paralysant. Que cela n’ait pas empêché Édith
Cowan de participer plus tard à la vie publique est remarquable, surtout compte
tenu des conventions de l’époque
Après la mort de son père, elle quitte
l’internat pour aller vivre avec sa grand-mère qui s’occupe bien d’elle et
veille à ce qu’elle fasse des études sérieuses. Elle suit les cours du chanoine
Sweeting, le professeur de plusieurs hommes éminents et qui va jouer un
rôle très important en lui enseignant les mêmes idées. Elle développe alors des
croyances et des valeurs qui vont faire d'elle l'une des femmes les plus
influentes et les plus importantes d'Australie au cours des 30 premières années
du 20e siècle.
Au moment où elle termine ses études, au
lieu comme ses frères et sœurs de se cacher du public elle décide de consacrer
sa vie à défendre la justice sociale.
En 1879, à l'âge de 18 ans, elle épouse
James Cowan, un fonctionnaire qui va devenir magistrat. Elle suit attentivement
sa carrière, s’intéresse aux tristes affaires qui se déroulent dans sa salle
d'audience, et constate l'étendue des injustices créées par la pauvreté et le
manque d'éducation, en particulier à l'égard des filles, des femmes et des
enfants et met rapidement son énergie à soulager leur détresse.
Elle lit beaucoup par exemple John Stuart
Mill et la féministe américaine Charlotte Perkins Gilman. Elle croit en
l'importance de l'indépendance économique et de l'enseignement supérieur pour
les femmes. Elle élève ses quatre filles (elle a aussi un fils) pour qu’elles
soient autonomes et compétentes. La maison Cowan est le centre de discussions
et d’argumentations sur ces sujets et c’est un foyer très moderne pour
l’époque, en effet les deux parents travaillent en dehors de la maison. Et
même si elle doit s’occuper de ses cinq enfants, cela ne l’empêche pas de
militer activement pour les droits des femmes.
À partir des années 1890 Édith assume
un rôle de plus en plus public; elle s'implique dans de nombreuses activités
bénévoles et communautaires, dans des organisations qui viennent en aide aux
enfants défavorisés, aux mères célibataires et à leurs bébés, aux prostituées et aux migrants. Elle est
particulièrement préoccupée par la santé des femmes.
En 1894, Édith Cowan est l'une des
fondatrices du Karrakatta Club, le premier club féminin d’Australie. L'un
des objectifs est de soutenir les femmes, améliorer leur vie sociale et les rassembler
pour qu’elles s’épanouissent via des lectures et des discussions. C’est ici qu’elles
apprennent la prise de parole en public et partagent des lectures sur la santé,
la littérature et les droits des femmes Le
Club existe toujours aujourd’hui. Édith en est la première secrétaire avant
d’en devenir la présidente. Elle est l'autrice de sa devise « soyons jugés sur nos actions », qui reflète sa philosophie de vie, celle quelle
met en œuvre tout au long de sa vie avec ses innombrables contributions en
faveur de la communauté.
Le club joue un rôle déterminant dans la
campagne pour le droit de vote des femmes, que les australiennes Occidentales obtiennent en 1899. Elles sont parmi
les premières femmes au monde à obtenir ce droit. Mais ce n’est qu’en 1920 qu’elles sont
autorisées à se présenter au Parlement. Aucun de ces droits n’est accordé aux
femmes autochtones, qui en sont privées jusqu’en 1962.
En 1906, elle cofonde la Société de
protection des enfants, contribue à la création de la première crèche et ses
efforts aboutissent à la création d'un tribunal pour enfants l'année suivante
dont elle devient en 1915 l'une des
premières femmes nommées juge de paix. Elle fait également campagne pour que
d’autres femmes le deviennent.
En 1902, et en 1912, Édith Cowan se rend
en Angleterre et en Suisse pour se remettre de problèmes de santé dits « débilitants »,
probablement d'épuisement nerveux. Elle voyage seule, assiste aux réunions des
suffragettes.
En 1911, elle contribue à la création
d'une branche d'État du Conseil national des femmes dont elle devient
présidente.
Après la retraite de son mari en 1912, Édith
Cowan intensifie ses activités publiques et pendant la Première Guerre, elle
est présidente du Comité d'accueil des
soldats, collecte de la
nourriture, des vêtements, coordonne les efforts pour prendre soin d’eux à leur
retour et elle devient présidente du Comité d'appel de la Croix-Rouge. Elle est
nommée officier de l'ordre de l'Empire britannique en 1920.
Édith Cowan est l'une des fondatrices de
la « Women's Service Guild » en 1909 et en est la vice-présidente
jusqu'en 1917. L'un des objectifs de la Guilde est d'obtenir l'égalité des
droits de citoyenneté pour les hommes et les femmes. Elles font pression sur le
gouvernement pour la construction d'un hôpital pour femmes. En effet, depuis la
mort de sa mère, elle s’intéresse aux moyens d’améliorer les services
obstétricaux et autres services médicaux destinés aux femmes ainsi qu’à la
qualification des infirmières. Car à l’époque il y a très peu d’éducation
disponible pour les femmes et les soins de santé sont primitifs, avec peu
d’hôpitaux et encore moins de personnel qualifié.
Et c’est ainsi, qu’en 1916 est créé le King
Edward Memorial Hospital pour femmes, la première maternité d'Australie
occidentale. Il est important pour Édith Cowan que les soins soient étendus aux
mères célibataires. Elle devient membre de son conseil consultatif, puis
secrétaire de la maternité et membre du conseil d'administration de l'hôpital
qui est toujours en activité.
Choir, Director Lynlee Williams, Inanay Traditional Aboriginal song
Édith participe aussi à la lutte pour
permettre aux femmes de siéger au Parlement, droit qu’elles obtiennent en 1920.
et en 1921 Édith Cowan décide de se
présenter aux élections parce qu'elle estime que les questions domestiques et
sociales ne reçoivent pas suffisamment d'attention..
Son programme de campagne est audacieux. Elle
soutient l'éducation publique gratuite, qui doit aborder tous les aspects de la
santé et de la sexualité. Dans son livret, elle prédit que la pruderie sera bientôt
remplacée par la connaissance.
Elle veut une loi sur des loyers
équitables, un programme de logement, des cuisines publiques, des crèches, des
terrains de jeux, des jardins d'enfants et de meilleures conditions pour le
tribunal pour enfants. .
Elle veut que les mères mariées et
célibataires soient traitées sur un pied d'égalité Elle plaide aussi pour
l’égalité salariale et en faveur d'une allocation pour enfant et maternité.
« En reconnaissant le service rendu à la
communauté par la mère dans les soins et l'éducation de l'enfant, un tel
paiement devait être un changement pour l'ensemble de la communauté et reconnu
comme un droit, et n'est en aucun cas lié à la situation économique du mari et
du père »
Au cours de sa campagne et de sa carrière parlementaire,
Cowan reçoit des critiques concernant l'abandon de ses devoirs d'épouse au foyer.
Certains médias expriment leur inquiétude
quant au fait que :
« le tissu social va être
irrémédiablement endommagé, compte tenu de toute cette négligence des tâches
ménagères… Et comment diable son mari et ses enfants pourraient-ils s’en sortir
sans une femme et une mère à la maison pour accomplir leur devoir ? » Peu importe que les enfants d'Édith soient
adultes en 1921.
La victoire d'Édith Cowan est un choc pour
tous, y compris pour elle.
Dans une interview
intitulée « Première dame parlementaire australienne », elle déclare :
« Je n'aurais jamais pensé
gagner. J'ai travaillé dur et mon comité m'a royalement soutenu, tout comme mon
mari, mais en réalité, je n'ai jamais pensé un seul instant que je pourrais
vraiment gagner
C’est un moment historique. Elle devient, à 59
ans, la première femme du pays à devenir membre du Parlement et la deuxième
femme de l’Empire britannique à l’être. C'était une chose de donner le droit de
vote aux femmes, mais une représentante réelle au Parlement ? Le résultat
suscite beaucoup d’inquiétude. « Ce n'est pas un endroit convenable pour
une femme"
Édith ne se laisse pas intimider par les
autres députés. Lors de son discours inaugural, elle est fréquemment
interrompue avec des propos sexistes, alors que normalement personne ne le fait
lors d'un tel discours.
En remerciant le gouvernement d'avoir
adopté la loi autorisant les femmes à être élues au Parlement, un député intervient
en disant : « Ils voulaient seulement
votre vote. »
Cowan souligne la nécessité pour les
femmes de se soutenir mutuellement et d'occuper des postes de pouvoir, déclarant que « les
femmes devraient avoir leur mot à dire
« Je sais que beaucoup de gens pensent que
ce n’était peut-être pas la chose la plus sage d’envoyer une femme au
Parlement, …[et pourtant] les points de vue des deux côtés [des hommes et des
femmes] sont plus que jamais nécessaires au Parlement aujourd’hui….et je
devrais peut-être rappeler aux députés que l’une des raisons pour lesquelles
les femmes et les hommes ont jugé opportun de le faire, était parce qu’ils
estimaient que les hommes avaient parfois besoin d’un rappel de la part des
femmes à leurs côtés qui leur feraient prendre conscience de tout ce qui peut
être fait pour la société et pour le foyer »
Il est donc d’autant plus nécessaire que je
précise clairement ma position. Je suis nationaliste et je n'appartiens à aucun
parti dans cette Assemblée. J'ai été envoyée ici pour faire respecter la loi,
l'ordre et le gouvernement constitutionnel, et je désirerai contribuer à la
réalisation de ces objectifs d'une manière appropriée et satisfaisante ; tandis
que dans l'exercice de mes fonctions ici, je ne serai responsable qu'envers mes
propres électeurs. »
Comme, il n'y a pas de toilettes pour
femmes dans le bâtiment, lorsqu'elle aborde les coûts supplémentaires
nécessaires à leur installation pour son usage, elle est interrompue :
« Voulez-vous nous inviter à voir comment
l'argent a été dépensé ? »
Dans son discours, Édith réprimande aussi
le ministre des Chemins de fer au sujet de la taxe de un shilling demandée pour
amener une poussette en ville elle lui dit :
« Pourquoi n'essayez-vous pas de porter
un enfant dans un bras et les courses dans l'autre,? »
Édith a toujours défendu sans crainte ceux
qui étaient, vulnérables, à risque ou injustement traités.
Bien sûr son élection est largement
commentée dans la presse.
Un journal conservateur écrit :
«Un parlement composé entièrement ou
principalement de femmes politiques n'était pas une perspective à considérer
avec enthousiasme …. Si les fonctions politiques devenaient l'ambition du beau
sexe et si la candidature au Parlement devenait la dernière mode, de nombreuses
maisons mornes et négligées dans tout le pays seraient sacrifiées sur l'autel
de l'ambition politique. »,
Un journal plus libéral la voit comme :
« Édith Cowan est la porte-parole d'une
école de pensée qui a un droit indéniable à être représentée au sein de la
législature, et son palmarès de services sociaux honorifiques lui donne droit à
cette distinction ».
Le Bulletin quant à lui la ridiculise avec
une série de caricatures, dont l’une caustique montre la nouvelle députée en
femme au foyer, avec une serpillère et un seau à la main.
Édith possède pourtant toutes les
qualifications requises pour devenir députée et un correspondant de presse dit
:
De caractère très énergique, mais
intensément sympathique, une excellente oratrice, pleine d'esprit et logique,
avec une vaste connaissance des questions sociales et économiques, son arrivée
à la Chambre sera accueillie favorablement par des personnes de toutes nuances
de pensée.
Edith Cowan est une parlementaire
énergique, efficace et active.
Elle est la première femme de l'Empire
britannique à proposer un projet de loi et réussit le rare exploit de faire
adopter deux projets de loi.
Le premier projet, adopté en 1922, accorde
aux mères les mêmes droits de succession qu'aux pères en cas de décès intestat
d'un enfant.
Le deuxième projet présenté en 1923,
aboutit à la loi sur le statut juridique des femmes. Elle le présente
ainsi :
« nul ne peut être disqualifié en raison de
son sexe pour l'exercice d'une fonction publique, pour occuper un poste civil
ou judiciaire, pour pratiquer le droit ou pour accéder à toute autre profession
».
Un membre interrompt son discours,
affirmant :
« Vous supprimerez tous les emplois des
solicitors et des avocats. »
Un autre demande :
« Vous ne voulez sûrement pas généralement
rabaisser les femmes au niveau des hommes ?
À quoi elle répond :
« Non, je veux élever les hommes au niveau
des femmes. »
Cowan se bat aussi contre la violence
domestique, l'ivresse. Elle parle ouvertement des maladies vénériennes, de la
prostitution, de la contraception, de l'illégitimité et des crimes
sexuels à une époque où ces sujets ne sont pas abordés.
Le prix du courage politique de Cowan est la
perte de son siège aux élections de 1924 et 27 à cause de son refus de voter systématiquement avec
son parti mais aussi car certains des principes défendus par Edith
ne sont pas populaires auprès de ses collègues. Elle veut voir plus de femmes
au Parlement ; elle pense que les députés ne devraient pas être des
carriéristes ni même être payés ; mais elle a ouvert la voie aux femmes.
En 1925 elle est
déléguée australienne à la Conférence internationale des femmes, tenue aux
États-Unis, et fonde la Royal Western Australian Historical Society en 1926. En
1929 elle participe à la planification des célébrations du centenaire de
l'Australie occidentale.
La maladie l'oblige à se retirer quelque
peu de la vie publique au cours des années suivantes. Elle décède d'un cancer
du pancréas en 1932, à l'âge de 70 ans.et des funérailles publiques ont lieu
Une horloge est érigée en 1934 en son
honneur malgré de fortes oppositions sexistes. Elle est considérée comme le
premier monument civique dédié à une femme australienne.
En 1990, une université porte son nom et
cinq ans plus tard, son portrait apparaît au dos du billet de cinquante dollars
australien.
Conclusion
Édith Cowan, est une
femme courageuse et extraordinaire, une véritable leadere en avance sur son
temps qui a réussi à briser le plafond de verre, tout en résistant aux
attitudes négatives de sa communauté et aux moqueries sexistes pour devenir à
l’âge de 59 ans la première femme parlementaire d’Australie et elle est une
source d’inspiration, pour les femmes d’aujourd’hui.
Elle a connu l'hostilité des députés masculins de son époque, mais rien de
comparable à celle dont sont victimes les femmes politiques aujourd'hui.
Une étude révèle que le sexisme, le harcèlement et la violence à l'égard
des femmes parlementaires, en particulier la violence psychologique, sont
répandus dans le monde entier
Aujourd’hui, l’égalité des femmes reste
une question importante. Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Ce sont des pionnières comme Édith Cowan qui ont jeté les bases pour qu’un plus
grand nombre de femmes assument des rôles de leadership dans notre société.
Laissons-lui le mot de la fin. Elle dit
dans un de ses discours :
"C'est une grande responsabilité d'être
la seule femme ici, et je tiens à souligner la nécessité qu'il y ait d'autres
femmes ici… Si les hommes et les femmes peuvent travailler côte à côte pour l'État
et représenter toutes les différentes couches de la communauté, et si les
membres masculins de la maison se contentaient de permettre aux femmes de les
aider et acceptaient leurs suggestions lorsqu'elles leur sont proposées, je ne
doute pas que nous ferions un bien meilleur travail dans la communauté qu’auparavant.
Helen Reddy - I Am Woman
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