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Françoise Philomène Vayssières née Sainsevin a vécu de 1874 à 1943
en Gironde. D’abord domestique, puis femme au foyer, mère nourrice, elle
devient garde station puis grand-mère.
Philomène c’est une de mes quatre arrière-grands-mères. Je ne l’ai
pas connue mais ce qu’on me disait d’elle, enfant, me fascinait. Elle était
cheffe de gare, ce qui était rare pour l’époque et son mari, mon
arrière-grand-père travaillait sous ses ordres et était plus petit qu’elle. Elle
avait une forte personnalité, c’était une femme de tête et elle était très
drôle. Et c’est en pensant à elle que j’ai appelé ma chronique, « d’Ève à
Philomène sans oublier les autres ».
J’ai déjà, dans un de mes portraits, évoqué l’Ève Mitochondriale,
l’ancêtre commune à tous les hommes et femmes vivants sur terre aujourd’hui et
récemment on m’a posé la question, mais qui est réellement Philomène ?
La seule personne encore vivante qui l’ait connue, c’est ma mère,
Monique et elle se rappelle de certains détails concernant Philomène quand elle
passait ses vacances chez sa grand-mère. Mais elle avait seulement 8 ans quand
Philomène est décédée. J’ai récolté auprès d’elle des souvenirs de canne, de
souillarde, de vipères etc… un autre monde. Celui de la première moitié du 20ème siècle.
J’ai aussi fouillé dans les quelques papiers familiaux qui sont arrivés jusqu’à
moi, et j’y ai trouvé quelques dates, noms, lieux et pour compléter ces
éléments j’ai consulté les archives départementales.
Et ce que j’ai pu trouver au sujet de la vie de mon
arrière-grand-mère, Philomène, je vais vous le raconter maintenant.
Françoise Philomène Sainsevin naît les 15 février 1874 à onze
heures du matin au domicile de ses parents, au hameau du Moulin, domaine de
Sadirac en Gironde. Son père, Jacques Seincevin est meunier et est âgé de 45
ans. Sa mère Jeanne Dourneau, sans profession, est âgée de 28 ans. Ils sont
mariés et demeurent ensemble au dit lieu du Moulin. Le sexe de l’enfant est
reconnu féminin et deux témoins sont présents à la mairie pour déclarer sa
naissance, un tonnelier de 26 ans et un cultivateur âgé de 35 ans.
Son père décède en 1889, elle a 15 ans et elle épouse mon
arrière-grand-père, Paul Vayssières, le 30 novembre 1893 à 6 heures du soir
à Sadirac. Il a 25 ans et est cantonnier. À cette époque Philomène est
domestique et demeure quai de la mormare au n°16 à Bordeaux et est âgée de 19
ans. Elle est mineure, sa mère est présente et consent au mariage. Ce dernier a
été précédé d’un contrat de mariage retenu par Maître Clerfeuille à Salleboeuf.
La signature de Philomène au bas du registre des mariages est très élégante et
raffinée.
Paul et Philomène ont 3 enfants.
L’ainé, Jean François Vayssières, naît en 1896 à
Carignan-de-Bordeaux. Juste avant la 1ère guerre il est ajusteur et à sa
naissance Paul, son père, est cultivateur et Philomène, sa mère, sans
profession.
Puis naît Françoise Philomène Gabrielle Vayssières, en 1899
à Langoiran en Gironde au pied du château. Paul est employé et Philomène sans
profession.
En 1901 lors d’un recensement, la famille habite Quinsac, Paul est
cantonnier et Philomène garde station. C’est la première fois que je vois ce
mot de garde station concernant Philomène. Que signifie-t-Il ? Quel lien avec
cheffe de gare ?
En 1902 naît mon grand-père Georges à Quinsac au lieu dit,
d’Escute, un petit chemin qui descend vers la Garonne. Paul et Philomène sont alors
tous les deux employés au tramway de Bordeaux et Georges a une sœur de lait que
Philomène allaite. Ma mère pensait que son père était né dans une gare et bien
non. Par contre il a par la suite vécu avec sa famille, dans une gare, celle de
Lestiac. C’est l’adresse qu’il écrit en 1913 sur son carnet de dessin alors
qu’il allait à l’école du haut Langoiran et dans lequel il a dessiné sa maison,
c’est-à-dire la gare où Philomène était garde de station, celle de Lestiac.
Alors, de quelle gare s’agit-il ? De quel train ? Celui que l’on
surnommait le petit train c’est-à-dire le tramway qui reliait Bordeaux à
Cadillac en 2 heures, le TBC avec sa locomotive à vapeur qui passait par
Lestiac. Il a circulé entre 1897 et 1935, parcourait 30,4 km, à la vitesse de
30 km/h et transportait 1000 voyageurs par jour. Philomène était cheffe de gare
du petit train ou, puisqu’il s’agissait d’une gare de tramway, garde station.
J’ai craint un moment que Philomène n’ait finalement jamais été cheffe de gare.
Quelle déception, voir trahison si tel avait été le cas.
Je vous propose d’écouter une chanson que nous chantions en
famille enfant dans le patois occitan que parlait mon grand-père et que
Philomène a dû lui chanter.
Se Canto - Hymne Occitan
Un drame survient en 1916, le fils ainé de Philomène décède
pendant la guerre de 14-18 à Dieue-sur-Meuse. On lit sur
son carnet militaire qu’il a 19 ans, 10 mois et 1 jour. Son
Grade : soldat. Son Unité est le 416e régiment d'infanterie. On lit aussi la mention
: Non Mort pour la France – Noyé en se baignant dans la Meuse alors qu’il était
marqué sur son carnet militaire : Ne sait pas nager.
Lors du
mariage des deux enfants survivants en 1921 et 1922 Paul et Philomène
habitent Paillet et sont toujours employés au tramway ce qui est confirmé lors
du recensement de 1921, Paul le chef de famille est cantonnier au tramway et sa
femme Philomène est garde station et son mari le chef de famille est sous ses
ordres.
Nous
retrouvons ensuite Philomène à la retraite qu’elle prend avec son mari Paul à
Sadirac. Comment vivait-elle à cette époque ?
Ma mère
Monique, née en 1934, se rappelle de ses vacances passées dans la maison de sa
grand-mère qui s’appelait la Ynestre. Écoutons-la !
« La maison
était en bord de route, une grande route, entourée de fossés profonds pour
éviter les inondations que l’on foquait régulièrement pour qu’ils ne se
comblent, pas. Un petit pont, sans rambarde les enjambait et nous entendions
les vipères siffler quand nous le traversions.
Il y avait
un jardin, un grand hangar à foin où l’on stockait la nourriture pour l’hiver
et un potager que mon grand-père arrosait. Nous triions avec Philomène les
lentilles et écossions les haricots blancs.
On allait
aussi ramasser les œufs dans le poulailler. Il y avait un coq appelé pilou
pilou que grand-mère a tué pendant la guerre pour que nous le mangions. En
effet, la nourriture manquait, mais nous les enfants avons refusé de le manger
et les adultes nous ont dit que nous avions eu raison car il était très dur
notre pilou pilou.
Dans la
maison, il y avait à l’étage une immense pièce dortoir avec des clés.
Au rez-de-chaussée,
une grande pièce avec une grande table, une grande cheminée et un poêle à charbon
sur lequel mijotait toute la journée, un plat qui sentait bon et de l’eau
chaude.»
Ma
cousine Sabine, arrière-petite-fille de Philomène m’a rappelé une anecdote
qu’on nous racontait enfant, un jour d’orage et de foudre une boule de feu est
rentrée par la cheminée et est ressortie de la maison sans faire de dégâts.
Revenons
au récit de Monique, la petite fille de Philomène :
« Il y
avait aussi une souillarde, une petite pièce en terre battue, avec un petit
évier où l’on tirait l’eau et où l’on faisait la vaisselle et dans laquelle des
garde-mangers pendaient accrochés au plafond. Je crois qu’il y avait aussi un
puit dans lequel nous mettions des choses à rafraîchir.
Comme il
n’y avait pas de barbecue, Philomène cuisait souvent des morceaux de bœuf sur
un feu par terre et un jour, le chat s’en est emparé. Je n’ai jamais vu mon
père courir aussi vite pour le rattraper et récupérer le morceau de viande.
Une
camionnette tirée par des chevaux passait régulièrement et livrait de gros
pains que l’on coupait en les coinçant sous le bras.
Les WC
étaient à l’extérieur, et alimentaient le fumier. Il y avait deux grands trous
et le bois sur lequel on s’asseyait, était toujours ciré, de façon impeccable
et propre.
Nous
faisions notre toilette dehors et nous nous lavions les dents avec du gypse qui
était dans une petite boîte rose. Nous passions la brosse à dents dessus. Je
n’ai jamais vu mes grands-parents faire leur toilette.
Je ne me
rappelle plus trop non plus comment Philomène lavait son linge. En tout cas
elle allait au lavoir des salamandres, un bac carré avec des ustensiles pour
laver les lourds draps en toile. Il y avait d’autres femmes au lavoir et mon
frère s’amusait à plonger dedans et éclabousser tout le monde. Pour essorer les
draps elles se mettaient à deux. L’une le tordait d’un côté et l’autre de
l’autre.
Quand on
goudronnait les routes, on marchait dessus avec nos espadrilles pour se faire
les semelles et en période d’incendie quand la cloche sonnait, tous les hommes
partaient pour éteindre les feux.
Philomène
était une femme grande, plus grande que grand-père, et forte. Elle portait de
grandes robes avec des jupons et nous nous cachions dessous quand nous
jouions à cache-cache.
En passant
devant la maison, les gens s’arrêtaient pour discuter avec elle et lui disait :
Philo, tu as eu une histoire à nous raconter aujourd’hui ? Et tout le
monde rigolait quand elle racontait ses blagues. Elle avait toujours le
sourire, était vivante et drôle.
Elle lisait
aussi l’almanach Vermot, un gros livre où elle puisait certainement ses
blagues. Peu de femmes lisaient à l’époque.
À la fin de
sa vie, elle avait une canne, je ne sais pas pourquoi ; À ce sujet, Suzanne, ma
mère, m’a raconté que lors d’un voyage à Lourdes, facétieuse Philomène tapotait
avec sa canne l’épaule du chauffeur en lui disant, faites attention vous allez
nous mettre dans le ravin ! »
Philomène,
une femme courageuse, énergique, et intelligente, qui faisait attention à ce
qu’elle dépensait décède en 1943 d’un cancer de l’intestin, d’après Monique, de
l’utérus d’après sa cousine. Ma grand-mère Suzanne lui envoyait de Paris des
linges bénis pour la soulager. C’était la guerre et seul son fils Georges, mon
grand-père a pu aller à son enterrement.
Pour
conclure le portrait de Philomène Sainsevin-Vayssieres laissons le
dernier mot à Sabine, une de ses arrières petites filles :
« J’ai
toujours été impressionnée par cette arrière-grand-mère cheffe de gare et de
son mari qui paraît-il avait des yeux bleu pervenche et continuait de faire du
vélo à un âge avancé dixit Moune ma mère !!! «
Nous
arrivons à la fin de l’histoire de Philomène, l'intrépide cheffe de gare, qui a
marqué l’imaginaire de ses descendantes du simple fait qu’elle était garde
station ou cheffe de gare du petit train qui reliait Bordeaux à Cadillac un
métier improbable pour une femme de son temps. Comme quoi les modèles féminins
sont importants pour des jeunes filles.
C’est
le moment de vous dire en chanson : Adishatz, c’est à dire : au
revoir. C’est avec ce mot que mon grand-père avait l’habitude de nous dire au
revoir. Il nous racontait parfois des histoires en patois et j’en déduis que
Philomène sa mère lui parlait en patois.
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