DROIT à l'AVORTEMENT vs PATRIARCAT - La Tribune Libre




DROIT à l'AVORTEMENT vs PATRIARCAT -  23 Janvier 2019           
Suite à une très forte mobilisation, le 17 janvier 1975, la loi défendue par Simone VEIL autorisant l'interruption volontaire de grossesse en France était votée ; elle ouvrait une vraie brèche dans les règles défendues par le patriarcat.  « le droit à la vie » qu'il disait !!!! Et la vie des femmes qui meurent d'avoir dû recourir à un avortement clandestin, que vaut-elle ? « rien » répond-il encore aujourd'hui ; aux USA, un état menace de punir les femmes qui avorteraient de la peine de mort. Et oui, 24 ans après, on en est encore là !!!!! la vie d'un fœtus vaut plus que celle de sa mère. La vie de toute façon.....
          Quand on fait un rapide état des lieux, on se rend compte que le compte n'y est pas pour les femmes et que la lutte est terrible.
          Bref tour d'horizon.
                   
          En France, c'est plus insidieux.
          La loi s'aménage depuis 24 ans et maintenant, l'acte est remboursé par la sécurité sociale, maintenant les sage-femme peuvent pratiquer des IVG médicamenteuses, maintenant la clause de conscience est remise en cause, maintenant les femmes ont la possibilité d'avorter à domicile avec des médicaments, des contraceptions d'urgence existent et permettent de réagir dans les heures qui suivent un début de grossesse éventuel, il n'y a plus de délai de réflexion obligatoire entre la première consultation pour avorter et celle qui permet de confirmer la demande, la stérilisation à visée contraceptive est maintenant possible....La notion de « détresse averée » qui était indispensable dans la loi de 1975 a été supprimée en 2014.
          La désinformation sur le web est aussi interdite ; des lobbies anti-IVG avaient adopté une stratégie pour occuper les premières lignes dans les sites web dédiés et ainsi désinformer les personnes désireuses de renseignements sur le sujet. Le délit d'entrave numérique à l'IVG est ainsi créée en 2017.

          Que de tabous levés. Mais rien n'y fait, le danger est toujours là ; rien n'est acquis.....                             
                                                                                                                                      
          Il est toujours là  car les délais d'attente augmentent et en 2017, 5000 françaises ont dû se rendre à l'étranger pour pouvoir avorter : pouvoir être prise en charge sans dépasser le délai impératif de 12 semaines devient impossible. C'est comme ça depuis 17 ans d'après le journal MARIANNE dans un article publié en octobre 2017. Et avorter à l'étranger signifie est payant car il n'existe pas de législation européenne qui propose une prise en charge au niveau des pays de l'Union. Le débat existe maintenant à ce niveau : la plupart des pays européens a posé la limite à 14 semaines, pourquoi ne pas prendre ce délai qui résoudrait bien des difficultés que rencontrent les femmes. Il faut bien avoir à l'esprit que le corps humain n'est pas une mécanique « raisonnable », que de multiples facteurs interagissent et que ce délai est encore trop court pour qu'une femme confrontée à cette situation puisse prendre sa décision sereinement ; on pense au déni de grossesse, à des maladies qui peuvent masquer la grossesse....
          Et puis les restrictions budgétaires sont les meilleures ennemies des femmes ; le centre IVG  Tenon est maintenant le seul centre pour l'est parisien. La disparition des centres IVG est un formidable outil contre le droit à l'avortement ainsi que le peu de moyen alloué pour l'information.
                                                                                                                                       Un texte doit être examiné par les parlementaires européens en 2019.

           Je vous lis des passages du tract édité par le collectif IVG TENON pour appeler à une manifestation le 8 décembre dernier :
          « L'application de la politique d'austérité des gouvernements successifs, l'accélération sans précédent de ce gouvernement pour casser tous les services publics, (...) aboutit à une nouvelle restructuration et donc suppression de services et de personnel. A cela, s'ajoutent la gestion libérale et patriarcale de l'hôpital public qui considère ce lieu comme une entreprise, la remise en cause incessante des lobbies anti-IVG qui font pression, la clause de conscience que les médecins ont le droit d'opposer pour ne pas pratiquer cet acte médical, le fait que ce service soit considéré comme le parent pauvre de l'hôpital. »
          Le mot est làché : le patriarcat. Personne n'est dupe et l'hôpital n'assure pas sa mission dans le cadre du droit à l'avortement.

En Europe, les clignotants sont verts ou rouge.
          Le blog entrelesmotsetleslignes.blog détaille de manière très complète la situation de chaque pays de l'Europe en matière de droit en 2018.

Vert en Irlande depuis début 2018, en Espagne qui accueille les femmes françaises pour les avortements hors délai alors qu'il y a à peine 10 ans, le gouvernement conservateur tentait de restreindre ce  droit et la réaction des femmes a été à la hauteur de l'enjeu en 2013.
Depuis 2018, Chypre a assoupli sa loi qui était l'une des plus restrictives d'Europe.
Les Pays-Bas fixent  le délai à 24 semaines.

Rouge à Malte où il est toujours stricement interdit et en Pologne où les femmes ont aussi manifesté énergiquement pour faire repousser un projet de loi visant à supprimer ce droit en 2017 mais qui restent mobilisées du fait que le gouvernement souhaite  proposer un nouveau projet. Il faut ajouter le Vatican, Andorre et San Marin qui interdisent complètement l'avortement.
          Dans la Hongrie de Orban, tout est fait pour détourner les femmes de l'avortement pourtant légal : mise en place d'une politique nataliste, éloge de la famille traditionnelle, soutien à l' « enfantement », célébration de la femme au foyer dans les manuels scolaires, campagnes anti-IVG dans le métro en violation des règles du programme de financement européen, harcèlement des ONG qui défendent les droits des femmes.... le patriarcat dans toute son horreur : on voit clairement quels rôles sont dévolues à la femme : pondeuse au foyer avec l'obligation de se taire.
          Au Portugal, le droit acquis en 2007 a été restreint en 2015 en faisant supporter à la femme tous les coûts liés à l'IVG et en introduisant une consultation psychologique obligatoire.
          En Allemagne,  le droit autorise l'avortement jusqu'à 12 semaines. Mais son application reste difficile : pour un médecin, le seul fait de donner publiquement des informations est passible de poursuites pénales.

           Voilà pour la loi ; et vous avez compris qu' il y avait d'autres façons de réduire l'accès au droit ; en voilà d'autres : la culpabilisation des femmes restent la mesure numéro 1, les pressions morales et psychologiques émanant des religions ne cessent leur travail de sape en répandant l'idée que l'IVG est forcément un traumatisme et y avoir recours est criminel. L'église catholique parle de « culture de mort ». L'église orthodoxe, beaucoup plus conciliante, change de discours depuis quelques années et  la rejoint, elle et d'autres comme l'église protestante évangélique pentecôtiste qui se répand très rapidement. Ainsi, dans les pays de l'est comme la Bulgarie, l'Ukraine ou la Géorgie, des projets de loi soutiennent la protection de l'embryon dès la conception, même lorsque la vie de la mère est en danger.

          Tout cela va bien évidemment en opposition aux droits humains fondamentaux, dont le droit à l'IVG fait partie car il garantit aux femmes le droit à la vie, à la non-discrimination, à l'égalité,  la santé et à la vie privée. Les Nations Unies ont fréquemment affirmé leur inquiétude en diffusant les chiffres des avortements clandestins dangereux et le taux de morbidité maternelle très élevé. Selon la jurisprudence de la cour européenne des droits de l'homme, quand un état autorise l'avortement, il ne doit pas créer un cadre juridique qui limiterait de fait l'accès à l'IVG. Les Nations Unies ont même considéré que dans les pays où l'IVG est légale, les services doivent apporter un service de qualité quant à son accès, l'information et les actes effectués.
Tout restriction apportée au droit à l'IVG peut constituer un traitement inhumain et dégradant.

          Sur le plan international, le tableau est beaucoup plus contrasté et la bonne nouvelle est le vote du Chili pour obtenir ce droit en 2017 même si il est encore très restreint, même si il est toujours difficile d'accès. L'interdiction totale appliquée sous Pinochet n'avait pu être levée plus tôt. Dans ce secteur, l'élection de Bolsonaro, président d'extrême droite du Brésil depuis le 1er janvier est une menace pour ce droit.
          La très mauvaise nouvelle vient de  l'état de l'Ohio aux Etats-Unis qui envisage de proscrire l'avortement et de le punir par la peine de mort. Depuis l'élection du président Trump, une vague conservatrice sans précédent traverse ce pays ; d'autres états sont aussi dans ce cas de figure comme l'Alabama ou la Virginie occidentale.
          La plupart des pays musulmans l'interdisent complètement sauf certains pays comme l'Afghanistan, Yemen, Bengladesh ou le Liban qui le tolèrent.
          En Chine, l'avortement est une technique de contrôle des naissances ; si la politique de l'enfant unique est maintenant supprimée au profit des familles de deux enfants, l'avortement est toujours utilisé pour sélectionner les filles (100 filles pour 113 garçons),  pour limiter les familles à deux enfants et est imposé aux femmes célibataires. Tout cela conduit à une véritable catastrophe démographique car le pays manque de jeunes et de femmes, ce qui conduit à des trafics sexuels en provenance d'autres pays, les mariages forcés et l'exploitation sexuelle commercialisée.0
          En Inde, le délai est de 20 semaines. Le nombre catastrophique de viols dans ce pays incitent les femmes à recourir à l'avortement et il est question de repousser encore le délai.

          Alors ne nous y trompons pas ; ce panorama illustre bien que dans cette histoire, le droit à la vie est un leurre, un outil de culpabilisation massif. La vie en elle-même n'intéresse pas le patriarcat, pas plus celle de l'enfant que celle de la mère ;
Ce système masculiniste n'est autre qu' un outil de soumission totale de la femme à l'homme ; celui-ci est ainsi assuré de maintenir sa toute-puissance sur le ventre des femmes. Et il préfère tuer la mère plutôt qu'un embryon qui n'est qu'un amas de cellules pour poursuivre son dessein.

          Il ne lâchera jamais tant que les femmes auront le pouvoir de décider  d'avoir un enfant ou pas.  Il cherchera tous les recours possibles et imaginables pour que ce droit ne s'applique pas,  pour que les femmes restent sous sa domination, son emprise. C'est lui, et uniquement lui qui décide de ce qui est le plus important pour lui, la pérennisation de l'espèce, l'importance de la filiation, la transmission de la propriété, du nom, l'héritage, etc. La femme n'est qu'un ventre ! 

          Pour nous, par contre, la vie est essentielle, et le droit à l'avortement et à la contraception s'inscrit dans le droit à la vie, la vie que l'on choisit pour la rendre belle. Belle pour la mère et belle pour l'enfant que l'on veut, peut accueillir. Et pour nous les femmes, la vie de l'enfant a autant d'importance que  celle de la mère !
         
          NOUS, LES FEMMES, ne lâchons rien.






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