LES FEMEN ET LA GUERRE EN UKRAINE
Mardi 5 mars 2022. Manifestation de soutien à la population ukrainienne. Photo de
Hervé CHAMPOLLION, AKG : En premier plan, trois jeunes femmes brandissent des
banderoles : INNA SHEVCHENKO REPORTED THAT RUSSIAN SOLDIERS ARE USING RAPE AS A
WAR WEAPON IN KHERSON." ET "L'UKRAINE N'EST PAS UN BORDEL."
Depuis quelques semaines, les témoignages se multiplient sur l'importance des
viols commis par les soldats sur les femmes ukrainiennes. INNA SHEVCHENKO
RAPPORTE QUE LES SOLDATS RUSSES UTILISENT LE
VIOL COMME ARME DE GUERRE à KHERSON »
Les FEMEN sont toujours là.
Elles font partie de notre paysage protestataire ; leur lutte est
toujours dirigée contre les religions, le machisme et la prostitution. Inna a
crée ce mouvement avec deux autres femmes en 2008 en Ukraine et leurs actions
ont très vite défrayé les chroniques tant leur mode de contestation a
« choqué » et attiré les caméras : torse nu, slogans peints en
noir sur leurs seins, couronne de fleurs sur la tête à la mode ukrainienne,
elles manifestaient sur les lieux symboliques. En 2012, en solidarité avec les
Pussy Riot dont je vous ai parlé dans une tribune récente, les FEMEN scient une
croix catholique haute de 8 mètres sur la grande place de Kiev. Inna doit
s'enfuir et obtient l'asile politique en France. Le mouvement a évolué jusqu'à
former une entité bien présente dans les mouvements contestaires français mais
aussi internationaux.
Inna se veut porte-parole du peuple ukrainien en France et raconte les femmes ukrainiennes dans ce conflit dont est victime son pays de naissance. « Elles sont très actives, elles sont au front, elles prennent les armes, elles aident, elles sauvent des vies et elles donnent la vie dans des abris anti-bombes ou dans des maternités, où elles sont bombardées. » affirme-t-elle dans le journal lematin.ch du 18 mars 2022. Elle-même est originaire de Kherson et toute sa famille vit là-bas. Dans cette phrase, elle résume
l'engagement des femmes et des risques qu'elles encourent parce que
femmes. La guerre est le monde exclusif
des hommes ; le virilisme est à son apogée : les écrans nous
confirment que le mâle est seul concerné pour attaquer, décider, se battre,
écraser, combattre, négocier, torturer... Le machisme tue tous les jours à grande échelle et
multiplie les crimes féminicides !!!! C'est la démonstration la plus brutale
et la plus violente de ce que peut produire le patriarcat. Il faut savoir que ce monde patriarcal assigne des places bien précises
aux femmes. D'abord VICTIMES ; ce sont elles qui fuient avec les enfants
par trains entiers. Les hommes ont d'ailleurs interdiction de quitter le
territoire ukrainien. C'est elles qu'on retrouve dans les pays limitrophes qui
accueillent en millions ces rescapées et leurs enfants, avec rien dans les
bagages et la peur dans les yeux et dans les tripes. On les sait aussi
cachées dans leur pays quand elles n'ont pu ou voulu partir. Elles sont
terrorisées, ne sachant ce qu'elles vont devenir, devant à tout prix trouver à
manger, à boire, de quoi soigner, elle et leur famille...Elles doivent tout
assumer seules dans un quotidien mortifère. A Marioupol, il n'y a plus rien. La
ville n'est qu'un tas de poussières que les bombardements continuent à pilonner
jusqu'à effacer les traces de la ville. Les bombes au phosphore vrillent leurs
oreilles et leurs espoirs. Nous allons faire une pause musicale avec Laïla MARTIAL, « Oh
papa ». Et puis il y a les viols, ces crimes condamnés dans le civil, si mal, si peu. En Ukraine, comme ailleurs dans le monde, c'est une arme de guerre. On veut annihiler l'ennemi jusque dans la chair des femmes, que leurs enfants soient bâtards à jamais, portant le sang des vainqueurs. L'horreur absolu ! Le président Zelensky a déclaré le mardi 12 avril au Parlement lituanien : « des centaines de cas de viols ont été enregistrés y compris ceux de jeunes filles mineures et de tout petits enfants. Même d'un bébé. Ca fait peur rien que d'en parler. » A ce propos, le journal l'Express a aussi interviewé Inna
Shevchenko. Dans le « grand entretien » publié le 7 avril 2022, elle
parle de la place de la femme en temps de guerre : « Le viol est une arme de
guerre, une arme de guerre interdite ! Commettre des crimes sexuels contre
les femmes pendant une guerre reflète une motivation sexiste en temps de
guerre, à savoir l'affirmation par les hommes de leur pouvoir. Mais ces crimes
ont moins à voir avec la satisfaction de la pulsion sexuelle masculine qu'avec
des tentatives de briser la société. Les humiliations et viols de femmes
ukrainiennes par les soldats russes sont des tentatives d'effacement de la
nation ukrainienne. La violence sexuelle est déployée comme arme de guerre
car pour son auteur, elle est bon marché, facile et extrêmement efficace pour atteindre l'objectif de briser
l'ennemi. Et ce, non seulement pendant la durée du conflit mais aussi pendant
une longue période après la fin de la guerre. Les femmes et leur corps sont des
champs de bataille encore plus pendant une guerre. » C'est une tactique de déshumanisation des personnes, de
terreur. C'est une arme à part entière : les soldats ont l'ordre de
violer les femmes jusqu'à ce qu'elles ne puissent plus avoir d'enfants ou
mettre au monde des "bâtards", ces enfants de l'ennemi.... Dessin de
Inna pour CHARLIE HEBDO, journal auquel elle collabore. L'horreur ne s'arrête pas là : des femmes réfugiées en Pologne se voient refuser le droit d'avorter ; ce pays a voté en 2021 une loi ultra restrictive et elles ne peuvent obtenir une contraception d'urgence ou un avortement. Cette situation est dénoncée par le média ukrainien Zaborona. Libération du 18 avril ajoute « la plupart de ces femmes ukrainiennes désireuses d'avorter ont souffert de « violences sexuelles de la part de soldats russes » avant d'arriver en Pologne, ou sont tombées par la suite « dans les mains de criminels locaux » qui les ont logées pour le violer.» La journaliste Nastya Podorozhnya dénonce : quand femmes se tournent vers la police pour porter plainte, les tribunaux minimisent les faits de viols qui deviennent « exploitation sexuelle dans une situation de dépendance », crime moins bien sévèrement puni que le viol. Pas de viol, pas d'avortement ! Mais elles sont aussi
combattantes : L'EXPRESS indique
aussi que de 2008 à 2018, le nombre de femmes militaires dans les forces armées
ukrainiennes a été multiplié par 15. Et dans cette guerre, beaucoup ont choisi
de s'engager militairement aux côtés de l'Ukraine, bien que rien ne les y
oblige. Inna explique : « Lorsque la Russie
a envahi le Donbass en 2014 et annexé la Crimée, l'Ukraine ne disposait pas
d'une véritable armée. Si aujourd'hui, il existe une armée ukrainienne, où
hommes et femmes se battent héroïquement sur le front, c'est parce que la
guerre actuelle est une attaque contre la nation tout entière, c'est-à-dire
contre chaque ukrainien et chaque
ukrainienne, pour ce qu'ils sont. De plus, la femme ukrainienne est traitée de
manière spécifiquement hostile dans la perception stéréotypée russe – elle est
considérée comme une « belle
salope sale » et une femme de « moindre valeur ». Les
femmes ukrainiennes savent tout cela et n'ont donc pas hésité à prendre les
armes. » Ce sont des
RÉSISTANTES ; Elles sont toujours
dans les métiers du soin (ambulancières, infirmières, assurant la nourriture où
c'est possible) mais leur implication dans les combats est un fait suffisamment
marquant pour être signaler. A ce titre, elle explique dans le journal « le matin,ch » qu'elle s'inquiète du sort des femmes qui prennent les armes et qui peuvent être la cible de proxénètes à la frontière. Elles sont prises pour cibles en Ukraine comme civiles, et celles qui essaient de fuir l'Ukraine sont chassées par des groupes de proxénètes qui arrivent d' Allemagne à la frontière polonaise pour profiter de ces femmes » Le témoignage des FEMEN et de Inna SHEVCHENKO sur ce qui se
passe là-bas pour les femmes est essentiel tant la plupart des médias
internationaux « ignorent » ou « détournent » la place
occupée par les femmes en les figeant dans des stéréotypes. La guerre en Ukraine, cette horreur bien identifiée parce
que le pays reste ouvert à tous les organismes internationaux et autres ONG, se
déploie aux portes de l'Europe. Ce moment tant redouté est arrivé et c'est
certainement pour cela que je suis si horrifiée et meurtrie d'imaginer que ce
que j'ai toujours redouté puisse avoir lieu : une troisième guerre
mondiale. Vous me direz avec raison que cette horreur est une nouvelle guerre,
à la suite des autres guerres qui se succèdent depuis si longtemps sur toutes
les latitudes, que ce que souffrent les afghanes ou les yéménites est aussi
insupportable. Vous avez raison. Vous ajouterez que la réaction de nos pays
face à l'accueil des réfugiéEs et des migrantEs est scandaleuse quand il y a
une préférence manifeste pour les ukrainiennes au dépend des autres
nationalités... Il faut dire tout ça et je terminerai cette tribune par les
mots de Inna dans une tribune publiée le 2 mars dans BFMTV : « Nous
enseignerons à nos filles et à nos fils que s'opposer courageusement au mal et défendre
ce qui est juste, malgré le coût élevé, est la seule manière de garantir la
paix. Après tout, si les hommes font la guerre, c'est aussi aux femmes de la
gagner. » Je dirai même qu'elles n'ont pas le choix ! Ces propos
sont valables pour la terre entière ! Pour les femmes de tous les pays, le
mal, c'est le patriarcat. Ecouter le podcast ICI |
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