La Tribune Libre : Cop29 vs Toutes les femmes de la Terre – Émission du 18 décembre 2024

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Cop29 vs Toutes les femmes de la Terre

          On pourrait penser que la COP (conférence des parties),  cette institution internationale, a été créée pour gérer les conséquences du réchauffement climatique qui affecte TOUTES LES FEMMES & TOUS LES HOMMES de la planète, dans une pleine et entière universalité. Oui ? Mais NON !

           Elle se déroule tous les ans et la COP 29 a eu lieu du 11 au 23 novembre 2024 à Bakou (capitale de l'Azerbaïdjan, dont l'économie dépend fortement des exportations de pétrole et de gaz, comme les Émirats arabes unis, où s'est tenue la COP 28 l'année précédente). Elle réunit les pays signataires de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ses enjeux sont de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement mondial à + 1,5 °C (par rapport aux niveaux préindustriels, conformément à l'accord de Paris sur le climat, et rendre les communautés plus résilientes. La priorité de cette COP,  rappelée par Simon Stiell (de l'ONU Climat) est donc que les dirigeant.es des pays riches s'accordent sur le soutien financier aux pays en développement. Il doit être suffisant pour que ces pays puissent se développer sans charbon ni pétrole, tout en affrontant plus de canicules et d'inondations, en sachant qu'ils sont aussi les plus exposés et vulnérables aux aléas climatiques alors qu'ils y ont le moins contribué. Ces pays estimaient en 2022 avoir besoin d'environ 116 milliards de dollars par an.

          Quand on regarde ce qu'on appelle la photo de famille qui réunit tous les chef et cheffes d'état et de gouvernement présentes, la proportion des femmes reste très inférieure à leur place réelle dans le monde. Huit femmes sur 78 dirigeantes et dirigeants ! Elle a eu beaucoup de mal à prendre conscience de la question du genre et il a fallu attendre la COP 20 à LIMa au Pérou pour que la question du genre soit un élément pris en compte :

    ONU info précise le rôle des femmes, en particulier dans les communautés à faible revenu et marginalisées, elles sont souvent les plus touchées par les catastrophes provoquées par le climat, en raison de leur rôle de principales dispensiatrices de soins et de nourriture. Parallèlement, dans de nombreuses régions, leur accès limité aux ressources, à l'éducation et au pouvoir de décision aggrave encore leur vulnérabilité. Les femmes assument souvent la charge de l'approvisionnement en eau et en combustibles pour leur famille, souvent au péril de leur vie.

    Mais elles ont aussi les solutions et les associer à la lutte contre le réchauffement climatique est élémentaire. Elles ont des connaissances au niveau local et assurent la gestion durable des ressources.

    Les associer est aussi un moyen de réduire les inégalités qu'elles subissent de plein fouet. "Une dizaine de militantes féministes donnent de la voix à l'entrée de la COP. Parmi elles, Anne Tek, à la tête d'une ONG féministe au Kenya, interpelle les négociateurs : "N'oubliez pas les femmes des pays africains", dit-elle notamment. "Ce sont elles qui prennent soin des enfants, alors que les hommes partent lors des catastrophes. Ce sont elles qui subissent le plus le changement climatique !"
 Alors qu'on débat de l'aide financière, seul 1% atteint les organisations locales de femmes, pourtant en première ligne pour l'agroécologie par exemple. "On a les solutions", assure Anne Tek. "Ce qu'on n'a pas, ce sont les financements. Les femmes ont mis en place des actions locales,il faut juste encourager leurs entreprises.

          Le Gender Climate Tracker retrace l'historique de la prise de conscience de la nécessité d'inclure la question du genre dans ces négociations :

            En 2014, le Programme de travail de Lima sur l’égalité des sexes a été lancé et en 2015, les accords de Paris ont intégré l’égalité des sexes comme principe préambulaire à chaque action pour le climat et à chaque action en relation avec l’adaptation et le renforcement des capacités. En 2017, le premier plan d’action pour l’égalité des sexes a été adopté, suivi en 2019 par l’adoption du Programme de travail de Lima amélioré sur l’égalité des sexes et son plan d’action pour l’égalité des sexes. D’autres décisions visaient à renforcer l’égalité des sexes tant au niveau des politiques que des pratiques, en encourageant l’équilibre entre les sexes dans la prise de décision et la prise en compte des questions de genre dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques et actions liées au changement climatique. À condition évidemment de pouvoir accéder aux ressources, y compris financières, à l'information, à l'éducation et, surtout, à la gouvernance.
          « Elles sont importantes pour faire des analyses correctes et ensuite en déduire des mesures politiques qui soient bien ciblées, bien adaptées, décrypte Anne Barre  coordinnatrice « genre et politique climatique » au sein de l'ONG WECF (Women Engage For a Common Future) mais aussi membre de Women And Gender Constituency, l'un des neuf groupes de parties prenantes de La Convention-Cadre Des Nations Unies Sur Les Changements Climatiques (Ccnucc).. Si vous choisissez des données basées sur le genre, vous ne vous contentez pas de différencier hommes et femmes, mais vous regardez en plus, s'il y a une discrimination particulière, quel rôle on a donné à ces femmes et ces hommes. Cela permet des analyses qui tiennent compte des droits manquants, de l'absence de soutien politique ou d'accès à des financements. Tout ce qui empêche une partie de la population de protéger ses droits dans l'adaptation climatique ou d'être des actrices des transformations. » Elle complète : « Parler de genre et non pas de sexe, cela signifie comprendre que les inégalités et les barrières structurelles proviennent des rôles que l'on assignent aux femmes . Elles gèrent leur travail car elles sont plus sensibles en général à l'agroécologie. Nous en avons parlé lors d'une tribune précédente. Cette démarche a été validée par la COP 20 au Pérou : promouvoir l'équilibre entre les sexes et intégrer la dimension du genre dans les travaux de mise en œuvre de la convention et de l'accord de Paris. Elle est essentielle car, par exemple, 80 % des réfugiées climatiques sont des femmes. Vous ne vous contentez pas de différencier hommes et femmes mais vous regardez en plus, s'il y a une discrimination particulière, quel rôle on a donné à ces femmes et ces hommes. Cela permet des analyses qui tiennent compte des droits manquants, de l'absence de soutien politique ou d'accès à des financements. Tout ce qui empêche une partie de la population de protéger ses droits dans l'adaptation climatique ou d'être des actrices des transformations. »

          Mais voilà, lors de cette session, « des mentions relatives à la question du genre ont été supprimées du futur programme de travail en négociation » constate Audrey Garric dans son article du Monde le 22 novembre. Pour être plus précise : « l'Arabie Saoudite, la Russie, l'Iran, l'Egyple et le Vatican s'opposent aux mesures d'égalité entre les genres. » L'Irak, l'Indonésie aussi. L'Europe et l'Amérique du sud veulent au contraire que le genre soit intégré à toute politique inhérente à ces défis colossaux.

Avant de connaître la suite, nous allons faire une pause musicale avec Fayrouz, chanteuse libanaise qui interprète « Nassam Alaynal Hawa »


          Nadia GORBATKO, journaliste à actu.environnement.com  a raconté le déroulé de la COP sur ce sujet dans son édition du 22 novembre dernier : « Dès la première semaine, des pays conservateurs ont cherché à revenir sur ces acquis vieux de dix ans. » Anne Barre commente ; « Or en principe, dans les systèmes de gouvernance mondiale de l'ONU, une fois qu'un outil, qu'un élément de langage ou de vocabulaire a été accepté et validé, il est préservé ».
          Le texte contesté a donc atterri entre les mains de la présidence qui l'a retravaillé avec un groupe spécial pour en sortir un nouveau. Un seul, à prendre ou à jeter. Si elle ne revient pas en arrière, cette nouvelle version ne se révèle pas plus ambitieuse que le programme de Lima précédent. En revanche, elle propose sa prolongation sur dix ans, au lieu de cinq dans la période précédente. De quoi fermer la porte à un nouveau repli et permettre au groupe de travail de se libérer des débats politiques pour se concentrer, enfin, sur un travail technique, sur les progrès à réaliser et sur les financements à obtenir.
Le vendredi 22 novembre, la nécessité de « prendre en compte leurs obligations respectives » en matière de droits de l'homme est également réapparue dans le dernier texte sur la transition juste, ainsi que « l'égalité des sexes, l'autonomisation des femmes et l'équité intergénérationnelle ».

          L'association Adéquation fait le bilan de cette COP 29 : le « Programme de travail renforcé de Lima sur le genre", qui constitue le cadre de prise en compte des questions de genre et climat, a été reconduit pour dix ans, soit 2034, avec une revue en 2029. Un nouveau Plan d’action genre sera élaboré pour la COP30 faisant suite au GAP* (rapport mesurant les progrès réalisés pour combler l'écart) adopté en 2017. Des pays, comme la Russie, l’Arabie Saoudite, refusent les notions de diversité (de genre) et d’intersectionnalité, promeuvent des reculs sur le respect des "droits humains". Le principal acquis de la COP29 a été la résistance à ces reculs sur les mentions figurant déjà dans les texte. »« Si l’on ne quitte pas cette COP avec un nouvel accord sur ces questions-là, on enverrait le signal à tous les pays que des politiques antiféministes peuvent être menées, poursuit-elle. Ce serait catastrophique. »

          Quels sont ces pays qui entravent ainsi l'avenir de toutes les terriennes et tous les terriens ? j'ai nommé l'Iran, la Russie, un détricotage principalement opéré par l’Arabie saoudite, l’Égypte, l’Irak ou encore l’Indonésie. 
          Ces pays remettent en cause le principe même des droits humains. Ils veulent supprimer la notion de genre dans la politique des COP,  rejetant toutes les conséquences évoquées plus haut. Ce blocage des négociations paralyse aussi les autres flux de tractation. « Sur les questions de genre notamment, on assiste à un véritable backlash international, dénonce Anne Barre, Cette chambre est devenue un objet de marchandage pour certaines délégations. Dès lors que la finance n’avance pas dans leur sens, elles mènent une offensive visant à effacer toutes mentions aux droits humains et à la diversité de genre. »  

           Le fait religieux, patriarcal de ces gouvernements réactionnaires prend de plus en plus d'influence dans l'ambiance rétrograde qui habite le monde depuis quelqques années. Et les femmes vont donc être de nouveau les premières victimes, encore et toujours...
          Ces gouvernements sont parfois théocratiques, toujours antidémocratiques :

L'Arabie Saoudite, grande puissance pétrolière, gérée par une monarchie absolue     depuis des décennies, état islamique qui applique strictement la Charia, loi islamique, a réussi l'exploit de maintenir les femmes dans une situation moyennâgeuse, alors qu'elle s'apprête à construire la plus haute tour du monde, plus de 1 km. De plus, plus de 300 condamnations à mort ont été appliquées en 2024. Sur le papier, ce pays affirme aller vers plus d'égalité femme/homme ; dans les faits, la position de ce pays à la COP prouve qu'il s'agit d'une illusion.

    La Russie est une dictature tenue d'une main de fer par Poutine. Elle a fait de la religion orthodoxe une alliée précieuse et qui cherche à redonner aux femmes un rôle préponderant de mère pour remplacer les hommes tués en Ukraine et anticipe pour ses futures conquêtes...

     l'Égypte du général Sissi est une république de moins en moins démocratique,  de 100 millions d'habitant.es. Elle fait partie des pays où les droits des femmes sont le moins respectés.

    L'Indonésie est le plus grand état musulman du monde....

    l'Iran est un état théocratique qui se durcit depuis la révolte des femmes « femme, vie, liberté ». Une loi est entrée en vigueur le 13 décembre, durcissant considérablement les amendes et les peines contre les femmes qui ne respectent pas le port du voile. Il applique la loi islamique dans la mouvance chiite de la religion islamique. Narges MOHAMMADI, prix Nobel de la Paix 2023, est actuellement emprisonnée pour sa lutte contre notamment le port obligatoire du voile islamique en Iran. En mars, la militante avait diffusé un message audio de sa prison dans lequel elle dénonçait « une guerre à grande échelle contre les femmes » dans la république islamique.

    L'Irak est un régime autoritaire ; cet état sort d'une guerre contre des mouvements islamistes qui ont considérablement bouleversé la vie de la population. Celle-ci est essentiellement musulmane.

    Le Vatican, état catholique et antidémocratique, est composé uniquement d'hommes 800 personnes) même si les employé.es qui travaillent (mais ne vivent pas au St Siège) se féminisent de plus en plus. C 'est une monarchie absolue, dirigé par le Pape François. Il a donné récemment sa définition de la femme : "accueil fécond. Soin. Dévouement vital". La femme n'est même pas une personne. Elle ne sert qu'à faire des enfants. Elle doit être dévouée totalement à l'homme. C'est vrai que sans elle, il n'est rien, mais dans la même logique de l'air ou de l'eau. Elle n'a d'ailleurs pas le droit de voter.

À ce sujet, je vous conseille vivement d'aller voir le film « Conclave » ; il raconte le déroulement de l'élection d'un nouveau pape. On se croirait au Moyen Âge et les turpitudes de ces hommes prouvent encore et toujours que dieu n'existe pas. La seule femme qui intervient dans le film se définit d'ailleurs comme « invisible » !

        Nous pouvons donc être extrêmement inquiètes et inquiets de ce backlash à cette échelle mondiale car il y va de notre survie à tous et toutes mais en plus une dégradation prévisible des droits de plus de la moitié de la population mondiale !


 




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