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Ni muses ni groupies, une histoire féministe de la musique, de Chloé
Thibaud
Clara Luciani / La grenade
Nous venons d’écouter Clara Luciani pour
aborder une histoire féministe de la musique,
Ni muses ni groupies. Un livre de Cloé Thibaud, éd. Le Duc. Chloé
Thibaud est journaliste à France Musique, autrice en particulier de Si
Mozart était une femme. Dans les paroles de Clara Luciani :« Et
toi / Qu’est-ce que tu regardes ?/ T’as jamais vu une femme/ qui se
bat ?/ Suis-moi/ Dans la ville blafarde/ Et je te montrerai/ Comme je
mords, comme j’aboie ».
Une séquence en coanimation avec Florence,
animatrice de plusieurs émissions sur Radio libertaire, pour montrer à deux
voix comment des chanteuses s’affirment contre les violences, pour l’égalité et
font émerger une parole féministe quand elles prennent à bras le corps
l’écriture des chansons et de la musique.
La voix des femmes est dangereuse : dès
l’Antiquité, l’épopée d’Homère associe la voix féminine au danger. Circé
recommande à Ulysse de boucher ses oreilles pour ne pas écouter la voix
voluptueuse des sirènes. Plus tard, la voix de Carmen est maléfique
« prends garde à toi ». Vanessa Blais-Tremblay explique :
« Il y a eu autant de femmes que d’hommes dans le passé qui ont
participé à la culture musicale, mais elles n’ont pas été mises en récit, ce
qui fait qu’aujourd’hui on a des difficulté à concevoir où elles étaient et
comment elles participaient ».
Nous partons vers des femmes qui se sont
affirmées dans la musique et la chanson comme sujet et non objet.
Aux origines de la chanson féministe : 1098
en Allemagne, Hildegarde de Bingen, entrée au couvent à l’âge de 8 ans, qui a
laissé à ce jour 70 chants qu’elle a écrit, avec des thèmes comme la
reproduction, le lien entre le corps des femmes et la nature, sur des questions
qui interrogent le statut des femmes.
Ecoutons Respect, par Aretha
Franklin, la musique comme instrument d’affirmation : « Tout
ce que je demande/ C’est un peu de respect quand tu rentres à la maison/ Juste
un petit peu/ Hé, bébé/ Quand tu rentres à la maison/ Monsieur ».
C’est l’héritage des chanteuses de blues comme
« Ma » Rainey qui en 1928 assume son attirance pour les femmes, c’est
la « Mère du Blues », ou Bessie Smith, l’ « Impératrice du
Blues », ou encore Billie Holiday « Lady Day », (référence à
Angela Davis, Blues et féminisme noir). Elles dénoncent ce que leur font
endurer les patrons et leurs partenaires, leurs hommes : « Pas le
temps de se marier, pas le temps de s’installer/ Je suis une jeune femme et je
n’ai pas fini d’aller voir à droite à gauche ». Elles critiquent sous
couvert d’ironie la violence des hommes « Il m’a fait un œil au beurre
noir, je ne pouvais plus voir/ Mais en dehors de ça, il est vraiment bien avec
moi ».
Angela Davis : « ce qui est
provocateur dans l’œuvre que ces femmes laissent derrière elles – ce sont les
allusions aux attitudes féministes qui émergent dans leur musique, au travers
des brèches taillées dans le discours patriarcal ». Et on peut faire un clin d’œil à Clara
Luciani qui évoque dans la chanson Coeur : « L’amour n’a
jamais tué personne/ Et les seuls coups que l’amour pardonne/ Sont les coups de
foudre ».
Le Blues c’est aussi le cri de révolte
contre les lynchages des noirs par les blancs, les suprémacistes blancs.
Billie Holiday n’a que 24 ans, en 1939, quand la chanson ʺStrange Fruitʺ sort,
poème d’Abel Meeropol.
Billie Holiday / Strange Fruit
La structuration du livre :
-
Des chapitres : la
musique comme instrument d’affirmation 1920-1970 ; chanteuses à textes,
chanteuses à voix 1960-1970 ; les chanteuses faces aux hommes dans les
années 1980 ; la (re)naissance du girl power dans les années
1990-2000 ; l’avènement de la chanson féministe de 2010 à nos jours
-
Des pages à thèmes :
suffragettes, les ladies au micro, les fruits de Billie, etc.
-
Des entretiens…
-
Des pages Radio sexisme
-
des chiffres :
o dans la musique classique, 10.5% de femmes programmées dans le monde,
7.9% : dans les festivals, 8% de compositrices, 6% de cheffes d’orchestre,
aucune cheffe de chant, 32% de solistes et 29% de membres des ensembles.
o Le 12 avril 1966, sur la photo du siècle de Jean-Marie Périer, le poster
central réunit toutes les idoles yéyé, sur 46 artistes, 14 femmes.
o Chez Mme Rap, 63.2% se déclarent féministes. 11% de femmes dans la
musique électronique.
o En 2020, les classements sur Spotify, dans les tops hebdomadaires 97
femmes, 535 hommes et 18 groupes mixtes : 82.3% sont des hommes, 14.9%
sont des femmes.
o Dans les festivals de musiques actuelles, 14% de femmes.
Yseult a créé son propre label YYY, autrice
compositrice interprète, en 2019 ʺNoir et Brutʺ, en 2024, ʺMentalʺ, victoire de
la musique en 2021. En 2022, Aya Nakamura, seule artiste noire aux victoires de
la musique, choisie par le public et non par le jury, pour le prix de l’album
le plus streamé. Yseult : « le regard des gens j’en ai que faire/
qui sont-ils pour me juger ? »
Au cours des années 60-70-80, tous les
milieux du Yéyé, de la Pop, du Rhythm and Blues, du jazz, du rock, du rap sont imprégnés de
sexisme, voire de racisme, et cela nous fait penser à ce que dit Vanessa
Blais-Tremblay comme effet du misogynoir : « on permet à la femme
noire dans le contexte nord-américain certains comportements sexualisants,
érotisants, alors que la femme blanche est vue comme un véhicule de
préservation de la culture », donc culture patriarcale. C’est en
grande majorité des hommes qui écrivent les textes.
L’exemple de Britney Spears, et les effets
du patriarcat toxique (189) : elle sait ce qu’elle veut, cela agace,
« Leave. Britney. Alone »
Le problème Orelsan qui chante la violence,
ʺSale puteʺ, « j’te déteste j’veux que tu crèves lentement/ j’veux que
tu tombes enceinte et que tu perdes l’enfant ». Il a été reconnu
coupable de provocation à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en
raison de leur sexe à cause de la phrase en 2006 dans la chanson ʺSaint
Valentinʺ : « Ferme ta gueule ou tu vas de faire marie-trintigner »
Chanter l’amour toxique est la marque de
fabrique de Lana del Rey (290)
« Je refuse de séparer l’homme de
l’artiste quand l’homme est un criminel avéré ».
Hoshi / Amour censure
La chanson d’amour, un truc de meufs,
gnangnan, mielleux, fleur bleue quand c’est une chanteuse, c’est viril quand
c’est un homme : dans les 100 plus belles chansons d’amour, 13 titres
chantés par des femmes.
Parmi celles qui déconstruisent les codes, à
rebrousse-poil :
- Hoshy que nous venons d’écouter dans ʺAmour
censureʺ, affiche le fait d’être lesbienne, elle est cyberharcelée pour
cela.
- Patti Smith, ʺBecause the nightʺ ; Nina
Hagen, ʺIn Ekstaseʺ ; Lady Gaga ou encore Lio
- Le héros de la chanson culte de Vanessa
Paradis, ʺJoe le Taxiʺ, est en fait une femme, ʺJoe la Taxiʺ (261), un
possible modèle d’identification qui a manqué à la jeunesse
- Dans la musique country, Loretta Lyne
enregistre ʺThe Pillʺ mais son label refuse de publier le titre, en 1975,
il est interdit sur 60 radios aux USA. Un médecin la remercie car cette
chanson a permis d’informer les femmes des zones rurales.
- Angèle, autrice, compositrice,
interprète : ʺBalance ton quoiʺ en 2018, disque de diamant en France
(248)
- Et puis Miley Cirus réécrit une chanson de son
ex, ʺFlowersʺ : « Je peux m’offrir des fleurs/ Je peux
m’emmener danser/ Et je peux tenir ma propre main/ Je peux m’aimer mieux que tu ne le peux »,
au lieu de « J’espère qu’il t’offre des fleurs/ J’espère qu’il te
tient la main ».
- Et un grand merci à Anne Sylvestre qui avec des
textes particulièrement ciselés a évoqué tous les thèmes majeurs de la
situation des femmes, souvent tabous : l’avortement (ʺNon, tu n’as
pas de nomʺ), les tâches domestiques (ʺLa Vaisselleʺ), les violences
sexuelles et la culpabilisation des femmes victimes (ʺDouce Maisonʺ)…
- Soulignons aussi l’apport du Girl Power avec
notamment les Riot Grrrl, bien abordé par Agnès dans Accords et à cris.
Si Ghada Hatem estime que « ce qu’il y a de sympa avec le
féminisme d’Angèle, c’est qu’il n’est pas plaintif, il est gai, actif et jamais
revanchard », en revanche d’autres chanteuses de rap, par exemple,
refusent l’étiquette féministe bien qu’elles défendent des textes clairs sur le
sujet, à l’instar de Chilla qui écrit dans Sale chienne « J’aurais beau
tarter des milliers d’MCs, les femmes ne seraient bonnes qu’à la vaisselle »
Chilla / Sale chienne
Amel Bent, Camélia Jordana, Vitaa / Marine
Louisadonna / Mansplain
Et terminons
avec l’Hymne des Femmes chanté en 2018 par 39 femmes en soutien à la Maison des
Femmes de Saint-Denis : Olivia Ruiz, Hollysiz, Les Coquettes, Elodie
Frégé, Inna Modja, Clara Luciani, Pomme, Barbara Pravi, Nawel ben Kraiem, Agnès
Jaoui, La Grande Sophie…
Donc plein de
chanteuses aujourd’hui dénoncent le sexisme, la violence, et des femmes sont
engagées contre le racisme. Elles disent non, non, non, mais ce ne sont pas des
poupées ! Et elles donnent de la voix.
femmes / Hymne des femmes
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