Ni muses ni groupies, Une histoire féministe de la musique, de Chloé Thibaud, éd. Le Duc,

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 Ni muses ni groupies, Une histoire féministe de la musique, de Chloé Thibaud, éd. Le Duc, 2025. Comment les artistes féminines ont fait de la musique un puissant instrument d’affirmation pour défendre leurs droits et revendiquer l’égalité ? Choix de chansons féministes. En coanimation avec Florence, animatrice sur Radio libertaire de ʺCompositricesʺ, ʺFlemmardises et Rêveil motsʺ et de ʺDes cailloux dans l’engrenageʺ.

Ni muses ni groupies, une histoire féministe de la musique, de Chloé Thibaud

  Clara Luciani / La grenade  



 

Nous venons d’écouter Clara Luciani pour aborder une histoire féministe de la musique, Ni muses ni groupies. Un livre de Cloé Thibaud, éd. Le Duc. Chloé Thibaud est journaliste à France Musique, autrice en particulier de Si Mozart était une femme. Dans les paroles de Clara Luciani :« Et toi / Qu’est-ce que tu regardes ?/ T’as jamais vu une femme/ qui se bat ?/ Suis-moi/ Dans la ville blafarde/ Et je te montrerai/ Comme je mords, comme j’aboie ».

Une séquence en coanimation avec Florence, animatrice de plusieurs émissions sur Radio libertaire, pour montrer à deux voix comment des chanteuses s’affirment contre les violences, pour l’égalité et font émerger une parole féministe quand elles prennent à bras le corps l’écriture des chansons et de la musique.

 

La voix des femmes est dangereuse : dès l’Antiquité, l’épopée d’Homère associe la voix féminine au danger. Circé recommande à Ulysse de boucher ses oreilles pour ne pas écouter la voix voluptueuse des sirènes. Plus tard, la voix de Carmen est maléfique « prends garde à toi ». Vanessa Blais-Tremblay explique : « Il y a eu autant de femmes que d’hommes dans le passé qui ont participé à la culture musicale, mais elles n’ont pas été mises en récit, ce qui fait qu’aujourd’hui on a des difficulté à concevoir où elles étaient et comment elles participaient ».

Nous partons vers des femmes qui se sont affirmées dans la musique et la chanson comme sujet et non objet.

 

Aux origines de la chanson féministe : 1098 en Allemagne, Hildegarde de Bingen, entrée au couvent à l’âge de 8 ans, qui a laissé à ce jour 70 chants qu’elle a écrit, avec des thèmes comme la reproduction, le lien entre le corps des femmes et la nature, sur des questions qui interrogent le statut des femmes.

Ecoutons Respect, par Aretha Franklin, la musique comme instrument d’affirmation : « Tout ce que je demande/ C’est un peu de respect quand tu rentres à la maison/ Juste un petit peu/ Hé, bébé/ Quand tu rentres à la maison/ Monsieur ».

  Aretha Franklin / Respect 



 

C’est l’héritage des chanteuses de blues comme « Ma » Rainey qui en 1928 assume son attirance pour les femmes, c’est la « Mère du Blues », ou Bessie Smith, l’ « Impératrice du Blues », ou encore Billie Holiday « Lady Day », (référence à Angela Davis, Blues et féminisme noir). Elles dénoncent ce que leur font endurer les patrons et leurs partenaires, leurs hommes : « Pas le temps de se marier, pas le temps de s’installer/ Je suis une jeune femme et je n’ai pas fini d’aller voir à droite à gauche ». Elles critiquent sous couvert d’ironie la violence des hommes « Il m’a fait un œil au beurre noir, je ne pouvais plus voir/ Mais en dehors de ça, il est vraiment bien avec moi ».

Angela Davis : « ce qui est provocateur dans l’œuvre que ces femmes laissent derrière elles – ce sont les allusions aux attitudes féministes qui émergent dans leur musique, au travers des brèches taillées dans le discours patriarcal ».  Et on peut faire un clin d’œil à Clara Luciani qui évoque dans la chanson Coeur : « L’amour n’a jamais tué personne/ Et les seuls coups que l’amour pardonne/ Sont les coups de foudre ».

 

Le Blues c’est aussi le cri de révolte contre les lynchages des noirs par les blancs, les suprémacistes blancs. Billie Holiday n’a que 24 ans, en 1939, quand la chanson ʺStrange Fruitʺ sort, poème d’Abel Meeropol.

 Billie Holiday / Strange Fruit 




 

La structuration du livre :

-          Des chapitres : la musique comme instrument d’affirmation 1920-1970 ; chanteuses à textes, chanteuses à voix 1960-1970 ; les chanteuses faces aux hommes dans les années 1980 ; la (re)naissance du girl power dans les années 1990-2000 ; l’avènement de la chanson féministe de 2010 à nos jours

-          Des pages à thèmes : suffragettes, les ladies au micro, les fruits de Billie, etc.

-          Des entretiens…

-          Des pages Radio sexisme

-          des chiffres :

o   dans la musique classique, 10.5% de femmes programmées dans le monde, 7.9% : dans les festivals, 8% de compositrices, 6% de cheffes d’orchestre, aucune cheffe de chant, 32% de solistes et 29% de membres des ensembles.

o   Le 12 avril 1966, sur la photo du siècle de Jean-Marie Périer, le poster central réunit toutes les idoles yéyé, sur 46 artistes, 14 femmes.

o   Chez Mme Rap, 63.2% se déclarent féministes. 11% de femmes dans la musique électronique.

o   En 2020, les classements sur Spotify, dans les tops hebdomadaires 97 femmes, 535 hommes et 18 groupes mixtes : 82.3% sont des hommes, 14.9% sont des femmes.

o   Dans les festivals de musiques actuelles, 14% de femmes.

 

Yseult a créé son propre label YYY, autrice compositrice interprète, en 2019 ʺNoir et Brutʺ, en 2024, ʺMentalʺ, victoire de la musique en 2021. En 2022, Aya Nakamura, seule artiste noire aux victoires de la musique, choisie par le public et non par le jury, pour le prix de l’album le plus streamé. Yseult : « le regard des gens j’en ai que faire/ qui sont-ils pour me juger ? »

 

Au cours des années 60-70-80, tous les milieux du Yéyé, de la Pop, du Rhythm and Blues, du  jazz, du rock, du rap sont imprégnés de sexisme, voire de racisme, et cela nous fait penser à ce que dit Vanessa Blais-Tremblay comme effet du misogynoir : « on permet à la femme noire dans le contexte nord-américain certains comportements sexualisants, érotisants, alors que la femme blanche est vue comme un véhicule de préservation de la culture », donc culture patriarcale. C’est en grande majorité des hommes qui écrivent les textes.

L’exemple de Britney Spears, et les effets du patriarcat toxique (189) : elle sait ce qu’elle veut, cela agace, « Leave. Britney. Alone »

Le problème Orelsan qui chante la violence, ʺSale puteʺ, « j’te déteste j’veux que tu crèves lentement/ j’veux que tu tombes enceinte et que tu perdes l’enfant ». Il a été reconnu coupable de provocation à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur sexe à cause de la phrase en 2006 dans la chanson ʺSaint Valentinʺ : « Ferme ta gueule ou tu vas de faire marie-trintigner »

Chanter l’amour toxique est la marque de fabrique de Lana del Rey (290)

« Je refuse de séparer l’homme de l’artiste quand l’homme est un criminel avéré ».

 Hoshi / Amour censure 



 

La chanson d’amour, un truc de meufs, gnangnan, mielleux, fleur bleue quand c’est une chanteuse, c’est viril quand c’est un homme : dans les 100 plus belles chansons d’amour, 13 titres chantés par des femmes.

Parmi celles qui déconstruisent les codes, à rebrousse-poil :

  • Hoshy que nous venons d’écouter dans ʺAmour censureʺ, affiche le fait d’être lesbienne, elle est cyberharcelée pour cela.
  • Patti Smith, ʺBecause the nightʺ ; Nina Hagen, ʺIn Ekstaseʺ ; Lady Gaga ou encore Lio
  • Le héros de la chanson culte de Vanessa Paradis, ʺJoe le Taxiʺ, est en fait une femme, ʺJoe la Taxiʺ (261), un possible modèle d’identification qui a manqué à la jeunesse
  • Dans la musique country, Loretta Lyne enregistre ʺThe Pillʺ mais son label refuse de publier le titre, en 1975, il est interdit sur 60 radios aux USA. Un médecin la remercie car cette chanson a permis d’informer les femmes des zones rurales.
  • Angèle, autrice, compositrice, interprète : ʺBalance ton quoiʺ en 2018, disque de diamant en France (248)
  • Et puis Miley Cirus réécrit une chanson de son ex, ʺFlowersʺ : « Je peux m’offrir des fleurs/ Je peux m’emmener danser/ Et je peux tenir ma propre main/  Je peux m’aimer mieux que tu ne le peux », au lieu de « J’espère qu’il t’offre des fleurs/ J’espère qu’il te tient la main ».
  • Et un grand merci à Anne Sylvestre qui avec des textes particulièrement ciselés a évoqué tous les thèmes majeurs de la situation des femmes, souvent tabous : l’avortement (ʺNon, tu n’as pas de nomʺ), les tâches domestiques (ʺLa Vaisselleʺ), les violences sexuelles et la culpabilisation des femmes victimes (ʺDouce Maisonʺ)…
  • Soulignons aussi l’apport du Girl Power avec notamment les Riot Grrrl, bien abordé par Agnès dans Accords et à cris.

 Miley Cirus /  Flowers 



 Pomme / La lumière



 

Si Ghada Hatem estime que  « ce qu’il y a de sympa avec le féminisme d’Angèle, c’est qu’il n’est pas plaintif, il est gai, actif et jamais revanchard », en revanche d’autres chanteuses de rap, par exemple, refusent l’étiquette féministe bien qu’elles défendent des textes clairs sur le sujet, à l’instar de Chilla qui écrit dans Sale chienne « J’aurais beau tarter des milliers d’MCs, les femmes ne seraient bonnes qu’à la vaisselle »

 Chilla / Sale chienne 



Amel Bent, Camélia Jordana et Vitaa reprennent, sur leur album Sorore, en 2023, une chanson de Diam’s : Marine. La musique de Diam’s est politique, la rappeuse avait eu le courage de parler à « fille de ». Très engagée contre les violences faites aux femmes, dont elle a été victime, elle écrit dans « La Boulette » : « y’a comme un goût d’attentat / comme un goût de Bertrand Cantat » après le féminicide dont Marie Trintignant a été la victime. Cette chanson a été sacrée chanson francophone de l’année aux NRJ Music Awards en 2007.

 Amel Bent, Camélia Jordana, Vitaa / Marine 



 Louisadonna / Mansplain 



 

Et terminons avec l’Hymne des Femmes chanté en 2018 par 39 femmes en soutien à la Maison des Femmes de Saint-Denis : Olivia Ruiz, Hollysiz, Les Coquettes, Elodie Frégé, Inna Modja, Clara Luciani, Pomme, Barbara Pravi, Nawel ben Kraiem, Agnès Jaoui, La Grande Sophie…

Donc plein de chanteuses aujourd’hui dénoncent le sexisme, la violence, et des femmes sont engagées contre le racisme. Elles disent non, non, non, mais ce ne sont pas des poupées ! Et elles donnent de la voix.

 femmes / Hymne des femmes 











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